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Année 80, no 12       le 28 mars 2016

 

De nouvelles révélations montrent la responsabilité des patrons et du gouvernement dans la catastrophe ferroviaire au Québec

 
JOHN STEELE
MONTRÉAL — De nouvelles révélations le 7 mars à la une du Globe and Mail, le quotidien national de langue anglaise du Canada, mettent clairement en cause la responsabilité des patrons de la Montreal, Maine & Atlantic Railway, aujourd’hui disparue, et la complicité du ministère canadien des Transports dans la catastrophe ferroviaire du 6 juillet 2013 à Lac-Mégantic au Québec.

« Près de trois ans après la catastrophe ferroviaire à Lac-Mégantic, de nouvelles informations montrent que l’explosion tragique […] aurait pu être évitée par une simple procédure de sécurité d’une durée de 10 secondes que Transports Canada n’a pas exigée de la société ferroviaire, qui réduisait ses dépenses, » écrit le journaliste du Globe Grant Robertson.

Les patrons de la compagnie ferroviaire ont ordonné à leurs conducteurs de train — à l’équipage d’une seule personne sur leurs trains de pétrole en vertu d’une dérogation spéciale approuvée par l’agence gouvernementale — de ne pas utiliser le système de freinage automatique, selon le Globe.

Au cours des jours suivants, l’article de Grant Robertson a été suivi d’une série d’articles détaillant comment les patrons de la Montreal, Maine & Atlantic ont sacrifié la sécurité afin d’augmenter leurs profits, alors que le gouvernement fermait les yeux.

Les révélations contenues dans ces articles renforcent la lutte du conducteur de locomotive Thomas Harding et du contrôleur de train Richard Labrie, membres de la section locale 1976 du syndicat des Métallos, qui sont victimes d’un coup monté, qui font face à 47 chefs d’accusation de négligence criminelle causant la mort passibles d’emprisonnement à perpétuité, et qui servent de boucs émissaires pour la catastrophe. Des accusations similaires ont aussi été portées contre le directeur d’opérations, un cadre de deuxième rang, Jean Demaître.

« C’est difficile de comprendre pourquoi les propriétaires de la MMA ou l’ancien ministre des Transports n’ont pas été accusés, au lieu des trois personnes qui ont été accusées, » a expliqué au Militant André Blais, un militant de la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire à Lac-Mégantic, après avoir vu les articles du Globe.

Après avoir stationné le train de pétrole brut de 72 wagons à 11 kilomètres de Lac-Mégantic, Thomas Harding est allé se coucher après 12 heures de travail. Comme il l’avait fait à maintes reprises, il a serré les freins à air du moteur principal et un certain nombre de freins à main sur les wagons-citernes.

Les pompiers qui ont répondu à un petit feu dans la locomotive, résultat de l’entretien inadéquat par l’entreprise, ont arrêté le moteur. Cette action, approuvée par un agent de l’entreprise sur place, a provoqué la dépressurisation des freins à air. Le train a roulé sur la pente de 11 kilomètres jusqu’à la ville, où il a déraillé et explosé, tuant 47 personnes et brûlant le secteur historique du centre-ville.

Grant Robertson cite des experts de l’industrie ferroviaire qui expliquent que le système de freinage « automatique » installé sur les wagons-citernes aurait maintenu le train en place après que les freins à air de la locomotive de tête ont lâché.

La décision des patrons de la Montreal, Maine & Atlantic d’ordonner aux conducteurs de train de ne pas utiliser le système « automatique » de secours, une décision non contestée par les responsables de Transports Canada, visait à économiser du temps et de l’argent. Il faudrait de 15 minutes à une heure de plus pour pressuriser à nouveau le système de freinage et redémarrer le train le lendemain.

Selon Grant Robertson, la MMA « avait la réputation d’être l’une des entreprises les plus agressives de l’industrie ferroviaire en matière de réduction de coûts et avait reçu des dérogations inhabituelles de Transports Canada, telles que le droit de fonctionner avec un équipage d’un seul homme, ce qui lui avait permis d’économiser de l’argent en frais de personnel. »

Transports Canada a maintenant mis en place une nouvelle réglementation demandant l’utilisation du système de freinage automatique de secours.

Les 179 pages du rapport officiel du Bureau de la sécurité des transports sur la catastrophe du Lac-Mégantic ne contiennent qu’un paragraphe à la page 105 disant qu’elle aurait « probablement » été évitée si le système de sauvegarde avait été utilisé, selon le Globe. Mais le rapport du Bureau de la sécurité est consacré à rejeter la responsabilité sur Thomas Harding pour ne pas avoir serré davantage de freins à main.

« Je ne serais pas étonné de voir plus de surprises, » à mesure que toute cette affaire se déroule, a dit Thomas Walsh, l’avocat de Thomas Harding, au Militant. « Dès le début, le but des accusations a été de nous éloigner des vrais problèmes et des personnes qui les ont provoqués. Nous devrions nous concentrer sur les individus qui ont pris les décisions pour Transports Canada et la MMA, comme la décision d’opérer les trains avec un équipage d’un seul homme. »

Aucune date n’a encore été fixée pour le procès de Thomas Harding et Richard Labrie. Thomas Walsh a dit qu’il présentera une motion demandant au juge une « suspension des procédures, » essentiellement pour rejeter les accusations, lors d’une audience fixée au 4 avril.

« Il n’y a pas ici matière à procès criminel, a dit Thomas Walsh. Tout ce que le procureur de la couronne prépare est un « procès-spectacle ».

Pendant ce temps, les patrons des chemins de fer « expérimentent un nouvel endroit pour stocker l’excès de pétrole brut : des wagons vides, » a rapporté le Wall Street Journal le 28 février. En raison de la forte baisse des prix du pétrole au cours de la dernière année, les compagnies pétrolières cherchent à stocker le pétrole plutôt qu’à l’expédier. Et les chemins de fer ont environ 20 000 wagons-citernes vides, environ un tiers de la flotte nord-américaine. Ainsi, les patrons garent les citernes remplies de pétrole volatile sur des voies de garage à proximité des voies en service et des zones habitées.

« Les problèmes vont des voitures-citernes qui fuient jusqu’au risque de collisions et d’incendies, » a affirmé le Journal.

Les messages de solidarité pour la défense de Tom Harding et de Richard Labrie doivent être envoyés à leur syndicat, Métallos/Section locale 1976, 2360 De Lasalle, bureau 202, Montréal, QC H1V 2L1. Courriel : info@1976usw.ca . Des copies doivent être envoyées à : Thomas Walsh, 165 Rue Wellington N. Suite 310, Sherbrooke, QC Canada J1H 5B9. Courriel : thomaspwalsh@hotmail.com.

Les contributions financières peuvent être envoyées au Canada au Syndicat des Métallos, 565, boulevard Crémazie Est, bureau 5100, Montréal, QC H2M 2V8. Aux États-Unis, faites parvenir vos chèques au Tom Harding Defense Fund, First Niagara Bank, 25 McClellan Drive, Nassau, NY 12123.

Correction

La citation qui m’a été attribuée dans le numéro 12 dans l’article sur Lac-Mégantic n’a pas correctement rapporté mes vues en réponse à la question que m’a posée votre journaliste concernant ma réaction aux récentes révélations du Globe and Mail sur le désastre de Lac-Mégantic. L’article aurait dû dire que bien que les cheminots qui sont actuellement accusés sont en partie responsables de cette tragédie, il aurait été nécessaire d’aller plus haut dans la pyramide de tous ceux qui étaient en charge, comme les précédents propriétaires de la Montreal, Maine and Atlantic Railway et le précédent ministre des transports Denis Lebel, qui devraient aussi faire partie des accusés.

André Blais
Lac-Mégantic, Québec

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