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Année 79, no 13      le 13 avril 2015

 
Des milliers de manifestants au Canada dénoncent
la loi « antiterroriste » contre les droits

 
JOHN STEELE
MONTRÉAL — Plusieurs milliers de personnes dans au moins 70 villes à travers le Canada ont participé à une « journée nationale d’action » le 14 mars pour réclamer l’abandon du projet de loi C-51, la loi « antiterroriste » que tente de faire adopter le gouvernement du Parti conservateur à Ottawa. Cette législation est une attaque contre les droits politiques de tous les travailleurs, y compris le droit à la vie privée.

Le projet de loi a été déposé au Parlement le 30 janvier à la suite du meurtre de deux soldats canadiens par des personnes qui se disaient des djihadistes lors de deux incidents distincts en octobre. Le premier ministre Stephen Harper s’est servi de ces faits, ainsi que de la participation d’Ottawa à la coalition militaire impérialiste qui combat l’État islamique en Irak et en Syrie, pour déclarer que la « menace contre la sécurité nationale et internationale » posée par l’État islamique oblige le gouvernement à étendre ses pouvoirs d’espionnage et de police.

Le 24 mars, Stephen Harper a aussi annoncé que la mission militaire d’Ottawa en Irak sera prolongée d’une année et élargie de façon à inclure le bombardement de cibles de l’État islamique en Syrie.

Le projet de loi augmente le pouvoir des agences d’espionnage du Canada, accorde davantage de pouvoir de détention à la police, facilite plus d’espionnage de l’internet et comprend d’autres attaques contre les droits politiques.

Le projet de loi a été approuvé par le Parlement le 23 février par un vote de 176 contre 87. Les partis conservateur et libéral ont voté en faveur tandis que le Nouveau parti démocratique a voté contre. Le Comité de la sécurité publique a organisé des séances au sujet de cette législation afin de prendre en considération d’éventuels amendements avant qu’elle ne devienne loi. Les séances ont pris fin le 31 mars.

« Nous n’avons pas du tout oublié qu’après les attentats du 11 septembre, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont harcelé de nombreux musulmans et travailleurs et travailleuses d’autres communautés racialisées sur leur lieu de travail, causant à ces personnes de perdre leur emploi et d’être harcelées également par des employeurs et des collègues de travail, » a affirmé Hassan Yussuff, président du Congrès du travail du Canada (CTC), dans une déclaration publiée à la veille des manifestations du 14 mars. Le CTC représente plus de trois millions de travailleurs syndiqués. « Nous nous opposons à ce projet de loi au nom de ces communautés et parce que, s’il est adopté, les droits de tous nos membres et de tous les Canadiens et Canadiennes seront compromis. »

« En raison de ce projet de loi, les arrêts de travail pacifiques, les grèves sauvages et autres formes de désobéissance civile non violente pouvant être considérées comme illégales risqueraient d’être fortement perturbés et interrompus par la GRC et le SCRS, a ajouté Hassan Yussuff. Pensez au militantisme pacifique quoiqu’« illégal » qui a permis aux femmes de gagner le droit de vote au Canada, mis fin [à] la ségrégation raciale aux États-Unis et vaincu l’apartheid en Afrique du Sud. »

Dans un de ses trois éditoriaux de février contre ce qui était alors un projet de loi, la rédaction du journal national canadien de langue anglaise The Globe and Mail a accusé Ottawa d’accorder au SCRS le droit de réprimer l’expression de différences d’opinion légitimes.

« Pourquoi le projet de loi fait-il beaucoup plus que lutter contre le terrorisme ? » a demandé la rédaction du Globe en expliquant que le projet de loi pourrait permettre au SCRS de viser des Autochtones qui bloquent une ligne de chemin de fer, un parti prônant l’indépendance du Québec ou des militants écologistes qui manifestent contre la construction d’un oléoduc.

L’ampleur de l’opposition au projet de loi reflète le fait que des sections de la classe capitaliste au Canada se demandent si les attaques considérables du projet de loi contre des droits démocratiques et l’opposition qu’elles engendrent sont nécessaires à l’heure actuelle.

Le Syndicat des employés du gouvernement de la Colombie-Britannique et des services, l’association LeadNow et Open Media, une organisation consacrée aux droits des utilisateurs d’internet, faisaient partie de ceux qui ont organisé les manifestations du 14 mars.

« Le projet de loi C-51 pourrait sérieusement compromettre notre droit de manifester pacifiquement, » a déclaré Thomas Mulcair, le chef du Nouveau parti démocratique fédéral au rassemblement de 500 personnes à Montréal. « Harper terroriste, Trudeau complice, » ont scandé les manifestants devant les bureaux du chef du Parti libéral Justin Trudeau pour exiger qu’il s’oppose à la loi.

« Dans le contexte de la crise économique capitaliste mondiale de plus en plus profonde et de son impact au Canada, la cible ultime de cette législation — qui dans un premier temps fait la chasse aux sorcières contre ceux que le gouvernement prétend être des djihadistes musulmans — ce sont les travailleurs et nos syndicats qui résisteront de plus en plus aux efforts des familles capitalistes dirigeantes du Canada pour sauver leur système sur notre dos, » a expliqué Beverly Bernardo aux manifestants avec lesquels elle a défilé à Montréal. Beverly Bernardo est candidate de la Ligue communiste à l’élection fédérale d’octobre et se présente dans le comté de Papineau contre Justin Trudeau.

« Cette loi est un outil juridique qui peut servir à fermer l’espace politique dont nous avons besoin pour organiser et renforcer nos syndicats et pour tracer une voie indépendante en avant pour les travailleurs et les agriculteurs dans ce pays, a dit Beverly Bernardo. C’est pourquoi cette loi doit être rejetée. »

Des centaines de manifestants ont marché à Edmonton en scandant « Tuez le projet de loi. » Quelque 1 500 personnes ont manifesté à Toronto et plus de 1 000 à Vancouver.

Le soutien au projet de loi s’effondre
Alors que l’opposition au projet de loi s’élargit, le soutien populaire à la législation est en baisse. Quatre anciens premiers ministres ont publié une lettre ouverte contre la loi, disant qu’elle ne comporte aucune mesure de contrôle parlementaire de l’activité du SCRS. Parmi les autres opposants se trouvent la Fédération du travail de l’Ontario, Unifor, le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, l’Association du barreau canadien, l’Association canadienne des avocats musulmans et l’Assemblée des Premières Nations.

Selon un sondage publié après les manifestations du 14 mars, seulement 38 pour cent de la population soutient le projet de loi, contre 50 pour cent qui s’y oppose, une forte chute depuis févier alors que 82 pour cent de la population l’approuvait.

On peut s’informer sur les activités menées par la campagne « Arrêtez C-51 » à www.stopc51.ca.

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