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Année 79, no 5      le 16 février 2015

 
Les travailleurs se battent contre le coup monté
pour la catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic

 
JOHN STEELE
MONTRÉAL — Les patrons du rail, les flics et les tribunaux canadiens ourdissent un coup monté et tentent de punir Tom Harding, un conducteur de train pour la Montreal, Maine and Atlantic Railway, aujourd’hui en faillite. Ils tentent de le rendre responsable de la mort de 47 personnes dans l’explosion qui a embrasé un train le 6 juillet 2013, à Lac-Mégantic au Québec. Une dérogation spéciale du gouvernement fédéral permettaient aux patrons de cette compagnie de faire rouler le train, composé de 72 wagons remplis de plus de 7,5 millions de litres de pétrole brut hautement volatile, avec un seul conducteur à bord.

Tom Harding et Richard Labrie, contrôleur de train au moment de la catastrophe — tous les deux membres du Syndicat des Métallos — et Jean Demaître, un directeur administratif de l’entreprise, ont été arrêtés en mai dernier. Chacun d’eux a été inculpé de 47 chefs d’accusation de « négligence criminelle ayant causé la mort. » S’ils sont condamnés, ils risquent des peines d’emprisonnement à perpétuité.

Tom Harding a comparu devant le juge Conrad Chapdelaine le 15 janvier. Celui-ci a fixé une audience au 12 mars pour établir le calendrier du procès. On prévoit que l’audience préliminaire, qui examine les preuves et fixe la date du procès, aura lieu à l’automne.

L’entreprise elle-même ne risque que des amendes pour des infractions à la sécurité.

Dès le début, les patrons ont tenté de mettre la catastrophe sur le dos de Tom Harding. « Le fait est qu’il s’agit d’un manquement d’un individu, » a déclaré Ed Burkhardt, l’ancien président de la Montreal, Maine and Atlantic Railway, au quotidien Globe and Mail le 19 août, après qu’un rapport du Bureau de la sécurité des transports a osé dire que l’entreprise avait « une faible culture de sécurité. »

La nuit de la catastrophe, Tom Harding a garé le train à l’extérieur de Lac-Mégantic, comme il l’avait fait à maintes reprises auparavant. Il a laissé le moteur en marche pour que les freins à air fonctionnent et a serré les freins à main dans sept voitures, conformément aux règles de l’entreprise. Plus tard dans la nuit, alors que Tom Harding dormait, un incendie a éclaté et les pompiers ont été appelés pour l’éteindre. Ils ont éteint le moteur, désactivant par inadvertance les freins à air.

À 1h du matin, le train, sans personne à bord, a commencé à rouler de plus en plus rapidement jusqu’à ce qu’il déraille, s’écrase en pleine ville et explose.

Randy MacDonald, un conducteur de train avec la société ferroviaire Amtrak dans la région d’Albany dans l’État de New York, avait l’habitude de travailler avec Tom Harding. « Toutes les deux nuits pendant 20 ans j’ai passé la nuit au passage où ce train était garé, » a-t-il dit au Militant dans un entretien téléphonique. « Ça aurait pu être moi. Ce passage à niveau était l’endroit où on changeait d’équipe. »

« L’entreprise cherchait à économiser de l’argent, » a dit Randy MacDonald, qui a créé le Fonds de défense Tom Harding en 2013. « Ils ont changé leurs procédures. Ils ont dit à tous les conducteurs d’éteindre tous les moteurs sauf celui de la locomotive de tête pour économiser de l’argent sur le carburant. Ils ont garé le train sur une pente. »

« La direction a laissé le train sans surveillance et quand un incendie s’est déclaré et que le moteur principal a été éteint, ils ont envoyé sur les lieux pour inspecter le train non pas un mécanicien qualifié mais un employé de la voie qui n’a aucune connaissance des freins à air ou du fonctionnement du train, a expliqué Randy MacDonald. Il a rapporté que tout était OK, que le feu était éteint. Donc aucune autre mesure n’a été prise. »

Randy MacDonald a ajouté que selon le règlement canadien fédéral, les freins à main ne sont pas nécessaires si le moteur principal est en marche.

Sur le site web du fonds de défense, Randy MacDonald a affiché des articles sur les dangers, pour les cheminots et les communautés qui vivent le long des voies des chemins de fer, posés par la campagne des patrons du rail pour réduire les équipes à une seule personne.

Une émission de télévision populaire révèle la vérité

L’émission de télévision Enquête a diffusé un documentaire spécial le 22 janvier, intitulé « Lac-Mégantic, version corrigée. » L’émission a affirmé qu’un projet de rapport inédit rédigé par le Bureau de la sécurité des transports a signalé que l’absence d’un deuxième membre d’équipage a probablement contribué à la catastrophe. Il a critiqué le gouvernement canadien pour avoir changé la réglementation afin de permettre à la Montreal, Maine and Atlantic Railway de faire circuler des trains de pétrole avec une seule personne à bord.

Guy Royer, un habitant de Lac-Mégantic dont la fille est morte dans la catastrophe, a dit à Enquête que lorsque l’explosion a réveillé Tom Harding, celui-ci s’est précipité sur les lieux au péril de sa vie pour aider les pompiers à dépressuriser les freins sur certains wagons qui n’avaient pas pris feu, afin de les déplacer.

Pour cette raison, beaucoup à Lac-Mégantic le considèrent comme un héros. Ils ont été en colère quand il a été mis en examen et arrêté sous la menace des armes à son domicile. On l’a ensuite fait défiler avec Richard Labrie et Jean Demaître, menottes aux poignets à un palais de justice provisoire au centre sportif près de ce qui était le centre-ville de Lac-Mégantic.

Après l’audience au tribunal le 15 janvier, Thomas Walsh, l’avocat de Tom Harding, a dit à la presse qu’ils espéraient que le procès ait lieu devant un jury à Lac-Mégantic.

Peu de temps après la mise en examen, la section québécoise du Syndicat des Métallos a lancé une campagne de défense appelée « Justice pour les travailleurs métallos du rail » afin de récolter des fonds pour les frais légaux. À ce jour, 200 000 $CAN (158 000 $US) ont été récoltés, pour la plupart auprès d’autres sections locales des Métallos au Canada.

Les avocats qui représentent 40 des 47 familles ayant perdu des proches pendant l’explosion et l’incendie annoncent qu’ils ont conclu un accord pour 158 millions de $ US d’indemnités — qui doit encore être approuvé par la Cour supérieure du Québec — avec le chemin de fer, les patrons du pétrole et les compagnies d’assurance. Mais plus de la moitié de cette somme irait aux gouvernements fédéral, provincial et municipal. À ce jour, les victimes de la catastrophe n’ont pas vu le moindre sou.

Afin d’aider la campagne de défense de Tom Harding au Canada, envoyez des chèques au Syndicat des Métallos, 565, boulevard Crémazie Est, bureau 5100, Montréal, Québec, H2M 2V8. Les dons par carte de crédit peuvent être faits à www.justice4USWrailworkers.org.

Aux États-Unis, les chèques peuvent être envoyés au Tom Harding Defense Fund, First Bank Niagara, 25 McClellan Drive, Nassau, NY 12123. Les dons peuvent également être faits à www.tomhardingdefensefund.com.

Mindy Brudno, travailleuse à Amtrak, a contribué à cet article.

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