Le Militant (logo)  

Année 79, no 4      le 9 février 2015

 
« Un programme né des valeurs
de la révolution cubaine »

Entretien avec le Dr Julio Medina, directeur du
centre de Tarará, Cuba, qui a traité 25 000 enfants
après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl

 
FRANK FORRESTAL, RÓGER CALERO
ET MARY-ALICE WATERS

La catastrophe nucléaire du 26 avril 1986 de Tchernobyl, en Ukraine, reste la plus grande catastrophe nucléaire à avoir eu lieu dans le monde depuis la deuxième guerre mondiale. La réponse du gouvernement et du personnel médical cubain à cette catastrophe, comme leur réponse à la crise d’Ébola en Afrique de l’Ouest aujourd’hui, fournit une confirmation éclatante de l’internationalisme prolétarien de la révolution socialiste de Cuba.

Le Dr Julio Medina, le pédiatre qui était en charge du programme cubain pour soigner les enfants victimes de cette catastrophe, s’est assis avec les journalistes du Militant Róger Calero et Mary-Alice Waters à La Havane le 10 septembre pour parler de la réponse de Cuba et de l’effort qu’il a dirigé pendant plus de 20 ans.

Le programme est issu des valeurs de la révolution cubaine, a commencé par expliquer Julio Medina. « Les valeurs qui font partie de la révolution à Cuba — l’humanité, l’amitié et la solidarité.

« Nous ne pouvions pas rester les bras croisés et regarder un peuple avec qui nous avons eu des relations d’amitié faire face tout seul à un problème comme celui de Tchernobyl, » a déclaré Medina. « C’était une catastrophe dont les dimensions écologiques, sociales et médicales sont encore difficiles à saisir pleinement. »

La catastrophe nucléaire de Tchernobyl s’est déroulée lors d’un test du système de contrôle de l’une des quatre unités qui était en train d’être fermées pour un entretien de routine. Des défauts de conception — dont l’absence de toute structure de confinement — et le fait que le système de sécurité d’urgence du réacteur avait été désactivé, avaient conduit à une surtension provoquant des explosions qui ont détruit la partie supérieure du réacteur. Le coeur du réacteur a fondu et un feu intense de 10 jours a éclaté qui a libéré de grandes quantités de radioactivité.

Plus de 5 500 km carrés de l’Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie ont été contaminés, des nuages de poussières radioactives ont atteint d’autres pays voisins, y compris la Suède, à 1 150 km de là. Les travailleurs et les pompiers de Tchernobyl qui ont tenté de faire face à la catastrophe n’étaient pas préparés et étaient pour la plupart sans protection.

Plus de 130 travailleurs de la centrale sont tombés malades en raison des fortes doses de radiation et 28 sont morts en quelques semaines. Et plus de 6 000 enfants et adolescents d’Ukraine et de Biélorussie ont contracté un cancer de la thyroïde, probablement dû à l’iode 131 inhalé ou ingéré, principalement dans du lait et des légumes contaminés.

Pripyat, une ville de 50 000 habitants construit à 1,6 km des réacteurs de Tchernobyl pour loger les travailleurs de la centrale et leurs familles, n’a été évacué que 36 heures après l’explosion. On a dit aux résidents qu’ils n’avaient besoin que de vêtements pour trois jours, puis qu’ils pourraient revenir. Ils ne sont jamais revenus et la ville reste interdite.

Environ 115 000 personnes ont été évacuées de la zone environnante. Finalement 220 000 autres ont été contraintes de quitter leurs maisons en Ukraine, en Biélorussie et en Russie. Une zone d’exclusion officielle est toujours en vigueur et s’étend aujourd’hui à 30 km dans toutes les directions autour du site de l’explosion.

Au moment de la catastrophe, l’Ukraine était une république de l’Union soviétique et n’a eu son indépendance qu’en 1991 lorsque l’URSS a éclaté.

Après l’explosion de Tchernobyl « les autorités n’ont informé personne de l’ampleur de ce qui se passait, » disait Liliya Piltyay en juin 2014 à Kiev dans un entretien avec des journalistes du Militant. Liliya Piltyay, dirigeante du Komsomol (Jeunesse communiste) en Ukraine a aidé à organiser les voyages vers Cuba pour des enfants et d’autres personnes qui nécessitaient un suivi médical pour se faire soigner. Et jusqu’en 1989 « il était interdit de diffuser des informations sur la véritable ampleur de l’irradiation et sur le nombre de personnes touchées. »

Les plus touchés par l’empoisonnement par radiation étaient les jeunes enfants, les femmes enceintes et les centaines de milliers de travailleurs appelés liquidateurs, qui sont venus pour aider à l’évacuation et à nettoyer les décombres contaminés.

Alors que la connaissance de l’importance de la crise médicale s’est répandue, la direction du Komsomol a demandé à Sergio López Briel, le consul cubain nouvellement arrivé, d’aider à faire connaître la situation et de mobiliser pour une réponse internationale. « J’ai dit que la tâche d’informer le monde était de leur responsabilité, mais que Cuba aiderait sans aucun doute, » a indiqué Sergio López, en 2006 aux journalistes pour un documentaire de la télévision cubaine, « Cuba et Tchernobyl. »

« C’était un jeudi et le samedi nous avons déjà eu la réponse de la direction au sommet de notre pays, » a précisé Sergio López. « Les trois meilleurs spécialistes dans les maladies courantes de l’enfance étaient prêts et seraient immédiatement en route pour l’Ukraine. »

Durant leur premier voyage les spécialistes cubains ont visité plus de 15 villes, petites et grandes. « Les habitants étaient sous un stress énorme, inquiets de la catastrophe nucléaire, » rappelait l’un d’entre eux, Manuel Ballester, directeur de l’Institut d’hématologie et d’immunologie, dans le documentaire télévisé.

Des médecins cubains ont visité les régions touchées de l’Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie cinq ou six fois. « Nous avons été très bien accueillis par la population, mais pas aussi bien par certains des fonctionnaires à l’époque, » indiquait Manuel Ballester. « Dans les endroits les plus proches de la zone sinistrée, il n’y avait pas de médecins. Ils avaient quitté la zone afin d’éviter les éventuelles radiations qui commençaient à être libérées. »

Transporter à Cuba les enfants malades et certains de leurs parents s’est avéré être un défi parce que l’Union soviétique n’a pas fourni d’avions. En réponse, le gouvernement cubain a dû se débrouiller pour s’en procurer. « Un avion cubain venait juste d’être réparé dans une usine de Tachkent [capitale de l’Ouzbékistan] et il n’avait pas fini d’être peint, » a déclaré Olexandre Bozhko, président du Fonds pour la jeunesse ukrainienne de Tchernobyl, aux journalistes pour le documentaire de télévision cubaine. « Le trajet habituel de l’autre, Rome-La Havane, a été changé pour qu’il puisse être envoyé à Kiev. »

Les deux avions avec près de 140 enfants sont arrivés à Cuba le 29 mars 1990, marquant le début du programme de traitement médical des enfants de Tchernobyl. Plusieurs dirigeants de la révolution cubaine, y compris Fidel Castro et Vilma Espín, présidente de la Fédération des femmes cubaines, ont rencontré le premier groupe à l’aéroport de La Havane. Fidel Castro avait demandé à l’une des femmes qui les accompagnaient combien de personnes avaient été contaminées. Elle a répondu qu’il y en avait jusqu’à 100 000.

« Il commençait à discuter avec d’autres représentants du gouvernement juste là, » a raconté Liliya Piltyay, « et au moment où le deuxième avion est arrivé trois heures plus tard, il a annoncé que Cuba prendrait 10 000 enfants d’Ukraine, de Biélorussie et de Russie.

« Je ne pouvais pas y croire, » dit-elle. « J’ai demandé au traducteur s’il avait fait une erreur. Mais il n’y avait pas d’erreur. Les Cubains ont fait cela, et plus. »

La politique du gouvernement cubain était de limiter la publicité entourant le programme. Dans le documentaire de la télévision cubaine l’ambassadeur Sergio López commente ce que Castro lui a dit, « Je ne veux pas que vous alliez à la presse ou que la presse aille au consulat. Nous effectuons un devoir élémentaire envers le peuple soviétique, envers une nation soeur. Nous ne le faisons pas pour obtenir de la publicité. »

Fidel Castro a demandé Sergio López, qui venait d’arriver d’Ukraine, d’y retourner immédiatement plutôt que de prendre quelques jours en famille à Cuba. Fidel Castro « pensait déjà au souci des parents, des proches des enfants qui étaient à Cuba, » a expliqué Sergio López. « Allez et parler à ces parents de leurs enfants et dans quelles mains ils sont, de ce que nous faisons pour eux, des conditions qu’ils ont ici, à Cuba. Et que nous ferons tous les efforts du monde pour les sauver, pour qu’ils puissent vivre avec un avenir sûr et digne. »

Le programme médical a pris forme dans les premières années de la période spéciale à Cuba. C’était le nom donné aux conséquences économiques et politiques de la perte brutale de 85 pour cent du commerce extérieur de Cuba après la désintégration de l’Union soviétique. Les importations ont disparu et la production agricole et industrielle s’est effondrée à Cuba. À l’époque, Fidel Castro avait dit que c’était « comme si un jour le soleil ne se levait pas. »

Et pendant ce temps, le système de soins de santé dans les pays de l’ancienne Union soviétique a commencé à se désintégrer. L’espérance de vie, y compris en Ukraine, a chuté au cours des dix années suivantes. À Cuba, en revanche, malgré les difficultés économiques, l’espérance de vie a augmenté passant de 74 à 77 ans pour la même période.

« Il y a déjà un certain temps depuis que l’URSS et le bloc socialiste ont disparu, pourtant nous continuons à fournir des soins pour les enfants de Tchernobyl, en dépit de l’embargo et en dépit de la période spéciale que nous vivons, » Fidel Castro a déclaré à un groupe de Pasteurs pour la paix en 1992. « Nous faisons cela pour des raisons éthiques, pour des raisons morales. »

Le programme d’assistance médicale de Cuba
Julio Medina, aujourd’hui directeur de l’hôpital pédiatrique à Tarará, Cuba, a repris l’histoire à partir de là. Jeune médecin d’un peu plus de 20 ans à l’époque, il est devenu le directeur du programme médical cubain qui a traité entre 1990 et 2011 plus de 25 000 personnes touchées par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

« En 1990, lorsque l’étendue de la crise de la santé a commencé à apparaître, l’Union soviétique se désintégrait, » a expliqué Julio Medina. « Cuba et l’Ukraine n’avaient pas encore d’ambassades dans leurs pays respectifs. »

Le peuple cubain et son gouvernement ont répondu d’une manière qui était différente de tous les autres pays, a-t-il dit. Seule Cuba a offert un programme d’assistance médicale entièrement gratuit. À son point culminant, les Cubains traitaient jusqu’à 3 000 patients par an, surtout des enfants.

Le programme cubain n’a commencé que quatre ans après la catastrophe nucléaire, Julio Medina a indiqué, en partie parce que certains effets de l’empoisonnement par radiation se développent lentement. Mais « il n’y avait pas de véritable plan pour réduire au minimum les conséquences d’un accident, » a-t-il dit.

« Je pense qu’ils n’ont jamais cru qu’un accident se produirait. Aucun programme d’évacuation n’était en place. Les gens ont dû partir par leurs propres moyens, » a-t-il dit. « Dans certains cas, ils ont été envoyés dans des zones contaminées par le nuage radioactif qui y est passé. »

« La presse n’a pas informé la population de façon adéquate sur ce qui pourrait arriver et sur ce qui se passait, » a déclaré Julio Medina. « Un autre problème est le retard avant que le gouvernement ukrainien ait demandé l’aide internationale. »

La solidarité de Cuba a commencé avant 1990. « Le premier acte de solidarité, » poursuit Julio Medina, est venu des étudiants cubains qui faisaient leurs études en Ukraine et qui ont donné du sang. Un d’entre eux a donné de la moelle osseuse.

Ce qui a été décisif pour démarrer le programme a été « la volonté politique dans notre pays pour le réaliser. Je parle ici en particulier de Fidel, notre commandant en chef, » a-t-il dit au Militant.

L’équipe de spécialistes envoyés en Ukraine « a eu un impact énorme. Les gens réclamaient de voir les médecins cubains, » qui ont sélectionné les enfants les plus malades pour le traitement à Cuba, a-t-il dit. « Les premiers vols vers Cuba ont apporté près de 140 enfants atteints de cancer grave et / ou de maladies du sang. »

Le centre médical Tarará n’était pas encore opérationnel, de sorte que les deux premiers avions remplis d’enfants sont allés dans deux hôpitaux de La Havane — Juan Manuel Márquez et William Soler.

« La nécessité de l’aide a continué d’augmenter, » a déclaré Julio Medina, « et Cuba a répondu. La collaboration s’est étendue et c’est là qu’intervient Tarará. »

En 1976, Tarará, réputé pour son emplacement sain et sa jolie station balnéaire non loin de La Havane, avait été transformée en un camp pour les enfants cubains des écoles élémentaires qui appartenait au groupe des jeunes pionniers. Dans les années 1980, lorsque le pays a été frappé par une épidémie de fièvre de la dengue, la polyclinique qui s’y trouvait là s’est transformée en hôpital pédiatrique. Une partie de la réponse internationaliste de la direction de l’organisation de la jeunesse cubaine a été la décision de mettre la ville des Pionniers de Tarará à la disposition des enfants ukrainiens.

Transformation de Tarará
« Nous avons converti les installations de Tarará en un hôpital de 350 lits et avons construit des logements avec une capacité de 4 000 personnes, » a déclaré Julio Medina. « Comme vous pouvez l’imaginer, au milieu de la période spéciale ce n’était pas facile à faire. »

La transformation de Tarará a été réalisée principalement par des brigades de travail volontaire. Ces brigades ont été créées dans tout le pays à la fin des années 1980 dans le cadre de ce qu’on a appelé le processus de rectification.

« Des camions remplis de travailleurs, de jeunes gens, hommes et femmes, sont venus directement de différentes villes à Tarará. C’était un travail énorme, » a expliqué Julio Medina. « Des personnes ordinaires ont rejoint les brigades pour peindre et faire des réparations. Il y avait plusieurs milliers de personnes dont le travail a dû être coordonné et organisé chaque jour — plombiers, charpentiers, maçons, paysagistes. »

Lorsque le travail a été achevé en juillet 1990, Fidel a parlé avec les brigades présentes pour les remercier.

Alors que le centre médical de Tarará a été transformé, Julio Médina et le reste du personnel de médecins, infirmières et techniciens se préparaient à La Havane au défi médical qui était devant eux.

« Je travaillais dans un hôpital dans une autre partie de La Havane, comme beaucoup de ceux qui ont fait partie du projet, » a-t-il précisé. « Les médecins et les infirmières étaient les derniers à arriver. Nous avons dû étudier avant. Nous n’avions pas de spécialistes en médecine nucléaire. Nous n’avions aucune expérience dans le traitement des personnes qui avaient été exposées à des radiations dans un accident nucléaire. Nous avons dû nous préparer — et nous avons dû continuer à étudier pratiquement sur une base permanente afin de fournir les meilleurs soins aux patients. »

Des soins individuels et humains
Les Cubains ont pris des mesures spéciales pour les enfants qui sont venus seuls, beaucoup d’orphelinats ou de pensionnats. « Les infirmières et les médecins leur tenaient compagnie. Nous avons pris une responsabilité incroyable du point de vue social et humain, » a expliqué Julio Medina au Militant. « Nous avons compris qu’un enfant qui vient seul n’est pas dans la même situation qu’un enfant qui est accompagné de sa mère. À cette époque, dans ces conditions, notre programme était assez audacieux. Et c’est ce qui l’a rendu si précieux. »

« Les familles des travailleurs là-bas et les travailleurs eux-mêmes ont fait des friandises pour les enfants quand ils étaient malades et des gâteaux pour leurs anniversaires, » a-t-il dit. « Ce sont de petites choses qu’ils aimaient faire. »

Beaucoup d’enfants étaient très malades. Ils ont subi des opérations et ont reçu de la chimiothérapie intensive. « Certains sont morts mais d’autres ont guéri — un processus qui a été parfois très long. Et pendant toutes ces procédures, s’ils étaient seuls, un Cubain restait avec eux à l’hôpital.

« Ce genre de soutien social est venu du peuple, des individus, » a déclaré Julio Medina. « On ne peut pas ordonner aux gens de faire ce qu’ils ont fait. Aucun gouvernement ou politique ne peut diriger ça. Ce sont des valeurs. Bien sûr, ces valeurs sont le produit de la révolution et de sa politique, de notre mode de vie. Mais la façon dont les gens ont exprimé ces valeurs était spontanée. »

« En Ukraine, les enfants cachaient leurs lésions cutanées ou une oreille manquante. Ils se coiffaient d’une certaine manière ou portaient des manches longues pour couvrir les marques de leur maladie, » a expliqué Julio Medina. « Mais à Cuba, en quelques jours après leur arrivée, cette gêne commençait à disparaître. Ils étaient tous égaux et les Cubains qui les entouraient ne faisaient pas attention à ces choses. »

« En complément des moments difficiles de la chirurgie et de la chimiothérapie, ils avaient besoin de soutien psychologique afin de sortir et de poursuivre leur vie, ce qui n’était pas si facile, » dit-il. « Un représentant de presque toutes les spécialités médicales a été impliqué dans la mise en place du programme.

« Il y avait des psychologues professionnels en blouse blanche, » a précisé Julio Medina. « Mais il y avait aussi des gens ordinaires qui, par leur affection et leur amour ont donné à ces enfants le soutien dont ils avaient besoin pour aider à réduire l’impact de l’accident. »

« Nous avons demandé au ministère de la Santé en Ukraine d’envoyer des médecins ukrainiens avec chaque groupe d’enfants — des médecins qui pourraient travailler ensemble avec nous et nous donner leurs opinions, leurs points de vue. Ceci a joué un rôle important, » a-t-il indiqué. « Avoir des médecins de langue ukrainienne et russe — y compris des psychologues qui pourraient aider à traiter le traumatisme de l’accident nucléaire — à rendu plus facile la communication avec les enfants.

« Nous avons organisé de nombreuses excursions pour les enfants parce que le programme de réhabilitation psychologique comprenait également des activités culturelles, » a-t-il expliqué.

« Pouvez-vous imaginer ce qu’il faut faire pour obtenir 10 autobus plein d’enfants et les transporter de La Havane à Trinidad ? Une partie de la route principale est bien, mais une autre partie est dangereusement étroite et pleine de virages, » a ajouté Julio Medina. « Dix autobus plein d’enfants, avec des ambulances, des médecins, des infirmières et de la nourriture, parce que nous devions prendre notre propre nourriture. Et tous les enfants étaient de ces voyages, qu’ils puissent marcher ou qu’ils soient en fauteuil roulant. »

Cible d’attaques politiques
Le programme médical a été la cible d’attaques politiques principalement des adversaires de la révolution hors de Cuba. « Ceux qui n’avaient jamais fait quelque chose comme notre programme, qui n’avaient pas créé les conditions nécessaires pour s’occuper des enfants et de leur donner un traitement médical, ont critiqué ceux qui l’ont fait, » a déclaré Julio Medina.

La plupart des critiques venaient des États-Unis. « Il y a eu des articles dans la presse là-bas qui disaient que la pénurie et la faim à Cuba étaient tellement répandues qu’il n’y avait pas de moyen pour nourrir ces enfants, » a complété Medina. « Ils ont dit que nous les utilisions comme cobayes pour des expériences médicales et ainsi de suite. Ils ont même dit que le soleil à Cuba était nocif pour eux ! »

Malgré les énormes pressions économiques de la période spéciale, le gouvernement cubain a maintenu le programme de Tchernobyl. « Fidel n’a pas hésité à offrir notre aide même dans les moments difficiles, » a déclaré Julio Medina. « Parce qu’à Cuba — je parle des années à partir de 1990 — ces années ont été celles les plus difficiles dont les Cubains peuvent se souvenir. »

À chaque -nouvelle étape, le gouvernement « a essayé d’assurer le succès du programme, » a-t-il dit. « Sous la direction du ministère de la Santé, plusieurs hôpitaux et cliniques à La Havane ont travaillé ensemble pour s’assurer que les enfants ont pu avoir tout ce dont ils avaient besoin. Aucune demande n’a jamais été refusée parce qu’elle coûtait trop cher. C’était une décision politique. Nous l’avons fait sans regarder à la dépense. »

Les enfants ont également bénéficié des progrès de Cuba dans la recherche. « Avec le développement de l’industrie de la biotechnologie cubaine nous avons pu fournir aux enfants ukrainiens les mêmes vaccins et médicaments qu’ont reçus les enfants cubains. Cela aussi, c’était une décision politique, avec des coûts sociaux, » a-t-il dit.

Quand il est devenu clair que de nombreux enfants auraient besoin d’un traitement sur des longues périodes, le gouvernement a décidé de créer une école pour les enfants, dont les enseignants étaient ukrainiens. « Nous ne pouvions pas laisser les enfants qui seraient ici huit mois ou une année, prendre du retard dans leur éducation, » a déclaré Julio Medina.

Il y avait de longues files de gens en Ukraine qui voulaient voir des médecins cubains, a indiqué Julio Medina, et une collaboration étroite avec le ministère ukrainien de la santé et le personnel médical était importante. « Nous avons gardé une brigade médicale à Kiev pour continuer à traiter les enfants là-bas. En 1998, nous avons envoyé une autre brigade médicale pour ouvrir un sanatorium en Crimée qui avait été utilisé comme un centre de réadaptation pour les travailleurs d’une usine de missiles à Dniepropetrovsk, une ville industrielle dans le sud de l’Ukraine.

« La nouvelle installation a été appelé Druzhba, qui signifie « amitié ». Nous avons organisé un programme là-bas, similaire à celui de Tarará afin que les enfants puissent être traités en Ukraine, » a-t-il dit. « Jusqu’à la fermeture du programme en 2011, Druzhba traitait des liquidateurs ainsi que les enfants — plus de 10 000 en tout. »

Bien qu’il y ait encore un besoin de ses services, et Cuba reste prête à continuer, le programme à Tarará a été suspendu en 2011 lorsque le gouvernement ukrainien a cessé de payer les frais de transport pour les enfants. « Il ne manque pas de gens, y compris de nombreux médecins avec une volonté d’aider. Mais aujourd’hui, ceux avec les capitaux, ceux qui ont de l’argent, ne veulent pas dépenser pour de tels buts, » a déclaré Julio Medina. « C’est une question politique — une affaire de politique sociale.

« Les gens souffrent encore de maladies liées à Tchernobyl, » a informé Julio Medina. « Certains à cause de l’effet d’une substance radioactive sur leur système immunitaire et leur structure génétique, ce qui les rend malades et qui produit des effets génétiques qui peuvent être transmis aux descendants. Et d’autres parce qu’ils sont exposés dans une zone qui peut encore être contaminée. »

« Dans la situation actuelle de la guerre et de l’instabilité, la vie est plus chère. Tout est plus difficile, y compris le suivi de la santé d’un individu » en Ukraine aujourd’hui, a-t-il dit. « Aujourd’hui, les gens doivent compter sur leurs propres ressources plutôt que sur des institutions de l’État pour les soins de santé. »

Il nous a changés aussi
Le programme médical des enfants de Tchernobyl a aussi transformé les Cubains qui en ont fait partie. « Quand je suis arrivé à Tarará en 1990 j’avais vingt ans et quelques, » a déclaré Julio Medina. « J’étais un enfant, un garçon. Maintenant j’ai 52 ans. J’ai grandi avec le programme.

« C’est devenu une partie de nos vies. Nous pourrions dire que vivre plus de 20 ans avec des Ukrainiens nous a presque fait ressentir être Ukrainien, penser comme des Ukrainiens. Cela fait partie de notre style de vie, de nos aliments, de nos goûts et coutumes, » a-t-il dit. « De même, ils ont pris notre nourriture et nos coutumes avec eux. Ils aimaient danser sur la musique cubaine.

« Le programme a duré près de 23 ans. Il suffit d’y penser, 23 années de votre vie sans dormir paisiblement, parce que quand vous travaillez avec des enfants, vous ne savez jamais quelles bêtises ils sont en train de faire, » indiquait Julio Medina.

« Nous avions une grande responsabilité envers les familles ukrainiennes, le gouvernement ukrainien et notre propre gouvernement, » a-t-il dit. « Les parents nous avaient fait confiance pour garder leurs enfants. Et le pays nous a fait confiance.

« Nous pouvons discuter de ces choses calmement maintenant parce que le temps a passé et je sens que je peux respirer. Maintenant, je peux aller à la plage le dimanche et ne pas m’inquiéter. Je peux même prendre un verre, » a-t-il dit. « Mais à l’époque je me disais, « Qu’est-ce qui va se passer si je dois répondre rapidement à quelque chose ? » C’étaient des moments très difficiles. Notre personnel — les Cubains et les autres — devait être dévoué. »

« Et les dirigeants de notre pays ont été dévoués aussi, » a ajouté Julio Medina. « Fidel a visité Tarará plusieurs fois. Chaque fois qu’un ouragan a balayé Cuba, une équipe d’avance spéciale venait s’assurer que les installations étaient en bon état pour protéger les enfants. Quand vous voyez des choses comme cela se passer, vous ressentez que vous devez redoubler vos propres efforts, vous reconnaissez la profondeur de la responsabilité que vous portez. »

Julio Medina continue d’espérer qu’une solution sera trouvée pour que Cuba continue à fournir des soins à ceux qui en ont besoin en Ukraine.

À Kiev quelques mois plus tôt des journalistes du Militant ont parlé avec un certain nombre de jeunes femmes qui avaient été traitées à Tarará. Inna Molodchenko est la première sur la liste d’attente pour revenir à Cuba si l’argent pour le transport peut être rassemblé. « C’est mieux pour elle d’être à Cuba, » a indiqué Tatiana sa mère, parlant pour Inna, qui a eu six interventions chirurgicales à la gorge. « Les médecins cubains lui ont sauvé la vie et les gens de Cuba sont très gentils, plein de chaleur. Cuba est notre deuxième patrie. »

❖  ❖  ❖

Abonnement d’essai : 12 semaines pour 7 $ CAN

Pour vous abonner, envoyez un chèque au nom du Militant ou contactez-nous :

7107, rue St-Denis, suite 204, Montréal, H2S 2S5 ✆ 514-272-5840 cllc_can@bellnet.ca

ou consultez la liste de distributeurs dans le Militant (www.themilitant.com)  
 
 
Front page (for this issue) | Home | Text-version home