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Vol. 77, no 20       le 27 mai 2013

 
Comment les socialistes ont repoussé les
tentatives du gouvernement de limiter les
droits des travailleurs et pourquoi la
presse patronale ne peut l’expliquer
 
JOHN STUDER
« Liste des contributeurs : les travailleurs socialistes bénéficient d’un répit » était le titre d’un article du Wall Street Journal du 26 avril. « Pour les socialistes américains, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle, » a rapporté le Washington Post le même jour. Des comptes-rendus sur le même sujet ont été publiés sur les sites web NPR et Politico.

Les articles parlaient de la victoire remportée la veille par le Parti socialiste des travailleurs (SWP) en obtenant de la Commission électorale fédérale (FEC) une extension jusqu’en 2016 d’une dérogation aux lois dites « réformes des campagnes électorales, » qui exigent que les candidats aux élections fédérales rendent publics les noms des contributeurs financiers. Si la FEC avait annulé la dérogation, gagnée par le parti pour la première fois en 1974, les partisans de la campagne du SWP auraient été exposés à une recrudescence d’espionnage, de harcèlement et d’attaques de la part des agents du gouvernement, les flics locaux et les voyous d’extrême droite.

L’extension accordée par la FEC était la « bonne nouvelle » mentionnée dans le titre cynique du Post.

Ces médias, qui appartiennent aux capitalistes, gardaient un oeil sur ce que la FEC déciderait et ont été surpris de voir qu’elle n’a ni renversé ni affaibli l’exemption dont bénéficient les socialistes. De fait avant l’audience, la FEC avait rendu publics un projet de déclaration qui accordait une extension et un autre qui la rejetait. Même le projet accordant l’extension expliquait que, bien que le SWP ait répondu aux exigences, il l’avait fait « de justesse. » Cette mention a été retirée de la décision finale.

Aucun article de la presse bourgeoise n’a pu expliquer comment ou pourquoi la dérogation a néanmoins été gagnée. Leur seule explication était une variante de « la mauvaise nouvelle » mentionnée dans le titre du Post — selon laquelle le SWP, ainsi que l’affirme le journaliste, est « complètement dépassé dans le cadre du processus politique moderne. » Donc, la FEC a donné un répit au parti.

Mais si le SWP est politiquement « dépassé », comment a-t-il pu arracher de la FEC « une décision cruciale » comme l’a qualifiée le Journal dans la première phrase de son article ? Le Post a aussi reconnu l’importance de la victoire en affirmant : « Beaucoup de spécialistes des campagnes électorales ont suivi l’affaire avec attention pour voir quelles implications plus larges elles auraient sur ce que d’autres groupes doivent divulguer concernant leurs contributeurs … »

En tant que porte-parole des riches familles dirigeantes qui contrôlent à la fois les partis et les politiciens démocrates et républicains, aucun de ces médias n’était capable de prendre conscience de ce qui était vraiment en jeu dans la décision de la FEC. À savoir que dans le contexte d’attaques capitalistes incessantes contre les salaires, les conditions de travail, les syndicats et les droits politiques des travailleurs, la victoire du SWP représente le premier recul des patrons, de leur gouvernement et de leurs partis politiques face aux forces de la classe ouvrière.

C’est une victoire non seulement pour le SWP mais avant tout pour la classe ouvrière et les syndicats. C’est une victoire pour notre droit d’organiser une action politique ouvrière indépendante libre de toute ingérence de la classe qui accumule ses fortunes par l’exploitation de notre travail et dont le gouvernement impose sa domination.

Pourquoi le SWP a-t-il été en mesure de se battre efficacement pour cette dérogation et la maintenir pendant près de 40 ans ? Pour la même raison qui fait que le gouvernement et les agences policières ont pris pour cible ce parti ouvrier depuis ses origines. Les deux faits s’expliquent par l’engagement du parti depuis plusieurs décennies dans les luttes sociales, politiques et syndicales de la classe ouvrière dont la ligne de marche stratégique constitue la menace ultime pour les dirigeants capitalistes — la capacité révolutionnaire de prendre le pouvoir de leurs mains et d’établir un gouvernement des travailleurs et des agriculteurs.

Mouvement ouvrier de masse dans les années 1930
Dès les premières années d’existence du SWP, alors qu’il forgeait une organisation prolétarienne cherchant à émuler la révolution russe d’octobre 1917 dirigée par les bolcheviks, la participation du parti aux luttes de la classe ouvrière s’est heurtée aux attaques policières et aux perturbations fomentées par la classe dirigeante. Nous avons raconté la semaine dernière l’histoire des assauts féroces contre le jeune mouvement communiste dans les années suivant la première guerre mondiale et comment les cadres du parti se sont battus pour établir le droit de fonctionner publiquement et prendre part aux luttes syndicales et politiques.

Avec l’émergence dans les années 1930 d’un mouvement social de masse prolétarien qui a bâti les syndicats industriels, les dirigeants de la Ligue communiste d’Amérique, une des organisations qui ont précédé le SWP, se sont joints aux luttes ouvrières à travers le pays. Ils ont contribué à diriger les grèves et les campagnes de syndicalisation qui ont transformé les Teamsters de Minneapolis et du Midwest en un des syndicats les plus forts des États-Unis.

Le parti a grandi, a gagné en expérience de lutte de classe et en efficacité politique. Il a recruté des travailleurs militants comme Farrell Dobbs, qui est devenu un dirigeant central de la campagne victorieuse des Teamsters pour organiser les routiers à partir des États du Dakota jusqu’au Kentucky, du Michigan jusqu’au Texas.

À la fin des années 1930, alors que la deuxième guerre mondiale s’étendait à l’Europe et l’Asie, le président démocrate Franklin Roosevelt tentait d’impliquer Washington dans ce conflit sanglant afin d’accroître au maximum la part des capitaux U.S. dans les marchés et les profits mondiaux. Le Parti socialiste des travailleurs et les dirigeants lutte de classe des Teamsters du Midwest ont mené la bataille pour éduquer, organiser et mobiliser l’opposition ouvrière au massacre inter-impérialiste.

La Maison blanche a répondu au mois de septembre 1939 en émettant deux directives secrètes déclarant « l’état d’urgence national » et ordonnant au FBI de combattre « les activités subversives. » La police politique de Roosevelt a pourchassé les syndicalistes, les communistes et d’autres sur la base de leurs convictions et dans le but de limiter leurs activités politiques. Le FBI a mis sur écoute téléphonique John L. Lewis, président du Syndicat des mineurs et dirigeant fondateur du CIO, et Harry Bridges, président du Syndicat de la marine marchande de la côte Ouest.

Les dirigeants U.S. sont entrés en guerre en décembre 1941. En l’espace d’un an, 24 000 indicateurs du FBI espionnaient les activités syndicales et politiques de presque 4 000 usines, mines et fabriques.

En juin 1941, des agents du FBI et des officiers de police U.S. ont effectué une descente dans les locaux du SWP à Minneapolis et St-Paul, saisissant des livres et autres documents. Washington a accusé 28 membres du SWP et dirigeants des Teamsters sous la loi Smith censurant la liberté de pensée et adoptée par le Congrès l’année précédente. Au début du mois de décembre, 18 accusés ont été reconnus coupables de « complot pour avoir préconisé le renversement du gouvernement U.S. » et condamnés à être incarcérés dans une prison fédérale.

Une des réponses du parti aux accusations a été de présenter James P. Cannon, secrétaire national du SWP et l’un de ceux qui devaient être jugés, comme candidat à la mairie de New York. « Sa campagne mobilisera les travailleurs avancés contre les tentatives effrontées de Roosevelt et de son parti de la guerre d’intimider les forces antiguerre en Amérique, » écrivait le Militant.

Le Comité de défense des droits civils (CRDC) a été créé en 1941 pour lutter contre les accusations anti-ouvrières et faire ensuite campagne pour libérer les travailleurs victimes du coup monté. Le CRDC a gagné le soutien à travers le pays de militants ouvriers, de sections syndicales, d’instances centrales du mouvement ouvrier, de dirigeants et groupes en faveur des droits civils des Noirs et d’individus connus.

En 1943, le directeur général des postes avait annulé les tarifs postaux préférentiels de plusieurs journaux noirs. Il avait aussi retiré le permis postal du Militant pour « avoir provoqué un débat sur les questions de race » entre autres arguments politiques. Le journal a lancé une bataille qui a duré un an, appuyée par les groupes noirs et les syndicats, et a regagné ses droits postaux.

Face à ces attaques, le SWP a accru son activité politique. Il a distribué le Militant aux travailleurs le plus largement possible ainsi que des brochures et des livres. Les cadres du Parti ont participé aux luttes syndicales, se sont joints aux manifestations contre les lynchages et la discrimination racistes, y compris au sein des forces armées et des industries de guerre, et se sont présentés aux élections en tant que candidats indépendants de la classe ouvrière sur la liste du SWP.

Cette courte histoire qui montre comment le SWP a aidé à construire les syndicats et a résisté aux attaques contre la classe ouvrière au cours des années 1930 et pendant la deuxième guerre mondiale, explique pourquoi il est resté jusqu’à aujourd’hui une cible de harcèlement pour le gouvernement et la police. Mais surtout, elle montre pourquoi le SWP est le genre de parti capable de tracer un cours politique révolutionnaire pour renforcer l’indépendance ouvrière vis-à-vis de la classe des employeurs, leur gouvernement, leurs partis politiques, y compris en menant une lutte efficace depuis plusieurs décennies contre la divulgation aux flics et autres ennemis du mouvement ouvrier des noms de ses partisans.

Le prochain article nous mènera jusqu’à la situation actuelle.

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