The Militant (logo)  

Volume 76, no 48      le 31 décembre 2012

 
Les lois du « droit au travail » ne
peuvent empêcher la bataille à venir
pour construire des syndicats
 

JOHN STUDER
Les lois pour le soi-disant droit au travail qui ont été adoptées le 11 décembre dans l’État du Michigan font partie des nombreuses attaques contre les syndicats aujourd’hui et les travailleurs devraient s’y opposer partout. En même temps, ces mesures, ainsi que d’autres mesures gouvernementales anti-ouvrières, ne sont pas à blâmer pour la faiblesse et l’affaiblissement actuel de nos syndicats.

Promulguées le jour même par le gouverneur Richard Snyder, ces lois interdisent des accords d’entreprise prévoyant une déduction automatique des cotisations syndicales des fiches de paie de tous les travailleurs dans les entreprises syndiquées. (Les policiers et les pompiers en sont exemptés.) Des milliers de syndicalistes ont manifesté à l’intérieur et à l’extérieur du siège de la législature de l’État pendant le déroulement du vote.

L’adoption de cette loi dans le Michigan vient à la suite de l’adoption d’une mesure similaire en Indiana plus tôt cette année. Ainsi des lois du « droit au travail » sont désormais en vigueur dans 24 États.

Beaucoup d’observateurs politiques conservateurs ont exulté à la vue de ces résultats. « L’État le mieux connu pour être syndiqué, le berceau des Travailleurs unis de l’automobile, la royauté de la classe ouvrière américaine, est devenu un État du droit au travail, » a écrit le chroniqueur du Washington Post Charles Krauthammer le 13 décembre. « L’âge d’or des syndicats tout-puissants du secteur privé est terminé. »

Les défenseurs de la loi prétendent qu’il s’agit du « droit » des travailleurs de refuser de payer des cotisations syndicales. Mais après le vote plusieurs commentaires favorables à la loi ont porté sur comment elle affaiblira les syndicats, fera baisser les salaires et rendra le Michigan « plus attrayant » à l’investissement.

La déclaration de « politique publique » du projet de loi affirme que « les grèves et les lockouts et d’autres formes de conflits sociaux, indépendamment de qui a raison, sont des forces qui en fin de compte génèrent du gaspillage économique. » Elle soutient « la médiation de tels conflits selon les conseils et sous la supervision d’une agence gouvernementale. »

« Soyons honnêtes, écrit Charles Krauthammer. Les lois du droit au travail affaiblissent bien les syndicats. Et la désyndicalisation peut mener à des salaires plus bas. »

Les lois du droit au travail ont fait partie de l’offensive anti-ouvrière et anti-communiste dans les années après la deuxième guerre mondiale. La loi Taft-Hartley, adoptée en 1947, a ouvert la porte à l’interdiction par des législatures d’États des « ateliers syndicaux fermés. » Au départ, de telles lois ont été adoptées dans le Sud, où le refus des responsables syndicaux de s’attaquer au système de ségrégation Jim Crow avait miné l’unité de la classe ouvrière nécessaire pour créer des syndicats.

Depuis le début de la crise mondiale du capitalisme, de plus en plus de politiciens ont mis de l’avant le « droit au travail » dans le cadre d’attaques plus larges contre la classe ouvrière.

Selon une dépêche de l’agence Reuters du 11 décembre, l’analyste Adam Jonas, de la banque Morgan Stanley, a cité en exemple la loi du Michigan pendant une conférence téléphonique avec des investisseurs. Des capitalistes qui investissent dans l’industrie de l’automobile s’inquiétaient de la possibilité qu’à l’expiration de la convention collective en 2015 les Travailleurs unis de l’automobile (TUA) essaient de revenir sur les concessions qu’ils avaient acceptées en 2007 et que « tous les bons efforts réalisés depuis la crise soient peu à peu remis en cause, a dit Adam Jonas. L’adoption d’une loi du droit au travail au Michigan contribue à calmer ces craintes. »

Après son élection en 2010, le gouverneur Richard Snyder et d’autres défenseurs du droit au travail hésitaient à aller de l’avant avec cette question par crainte de l’opposition des travailleurs. Selon Reuters, il y avait une entente entre le patronat et les responsables syndicaux pour ne pas « faire de vagues. »

Mais l’an dernier, des responsables de l’Union internationale des employés des services et des TUA ont décidé de faire campagne pour un référendum visant à amender la constitution de l’État afin d’interdire les lois du droit au travail. Cette initiative référendaire a été rejetée.

Cela a encouragé les opposants des syndicats à faire pression pour obtenir rapidement une loi du droit au travail et a convaincu le gouverneur Richard Snyder de la signer.

L’automne dernier, le Parti socialiste des travailleurs a appelé les travailleurs à voter pour l’amendement à la constitution de l’État en faveur des syndicats. « Non pas parce que les lois restrictives sont la cause de l’affaiblissement de nos syndicats, une théorisation souvent développée par des responsables syndicaux, » a dit James Harris, le candidat du SWP à l’élection présidentielle à l’époque, mais afin de « préparer le terrain pour la transformation de nos syndicats en organisations ouvrières de combat efficaces contre les attaques de plus en plus graves du patronat. »

Les dirigeants syndicaux n’ont pas présenté leur initiative référendaire dans le cadre d’une mobilisation des travailleurs pour faire face aux attaques des patrons, syndiquer les non-syndiqués et soutenir les luttes sociales dans l’intérêt de la classe ouvrière.

Au contraire, la campagne des dirigeants syndicaux faisait partie intégrante d’une stratégie qui consiste à compter sur des « amis » au sein du Parti démocrate pour soutenir des lois aidant à maximiser la collecte des cotisations en l’absence d’une perspective de lutte de classe qui pourrait inspirer plus de travailleurs à organiser des syndicats et à y adhérer. Le référendum a été proposé par la même direction syndicale qui depuis des décennies cherche un terrain d’entente avec les patrons pour éviter et limiter les grèves et d’autres luttes syndicales, tout en soutenant certains de ces mêmes politiciens capitalistes qui aident à mener l’assaut.

La réponse des dirigeants des TUA devant les attaques des patrons de l’automobile contre les travailleurs depuis une dizaine d’années en est une bonne illustration. En 2007, les responsables des TUA ont réussi à faire accepter un système de salaires à deux niveaux qui a miné l’unité des travailleurs de l’automobile. En 2011, ils ont accepté « des conditions de travail flexibles » et l’élimination du programme de banque d’emplois qui avait continué à assurer aux travailleurs licenciés un salaire et des avantages. À chaque étape, ils se sont accommodés au besoin de rentabilité des patrons dans une alliance contre nature pour sauver des « emplois américains. »

En même temps, ils substituent de plus en plus des fanfaronnades, la grandiloquence et un comportement de voyous à une résistance efficace et organisée. Cela a été le cas lorsque des manifestants syndicaux au Michigan ont démoli une grande tente qui avait été montée par le groupe antisyndical Américains pour la prospérité pendant la manifestation syndicale du 11 décembre. Cette action n’a fait que porter atteinte à la capacité des syndicats de se gagner l’appui nécessaire parmi les travailleurs — syndiqués et non syndiqués — pour une lutte qui est objectivement dans leurs intérêts.

Loin de l’idée que les syndicats sont « dépassés », la lutte pour exercer leur pouvoir est plus nécessaire que jamais.

Et aucune loi anti-ouvrière ne peut empêcher l’utilisation du pouvoir syndical lorsque les travailleurs décident de lutter ou lorsqu’auront lieu les inévitables batailles de classe qui établiront les bases pour renforcer et transformer nos syndicats en instruments de lutte de classe — et en écoles pour la révolution.  
 
 
Front page (for this issue) | Home | Text-version home