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Volume 76/No 24      le 18 juin, 2012

 
Moins de droits, plus de drones —
ne vous en faites pas, c’est légal (Obama)
 
BRIAN WILLIAMS
Pendant sa campagne à l’élection présidentielle de 2008 le président Barack Obama a dénoncé les attaques contre les droits constitutionnels et les opérations militaires qui ont marqué la « guerre contre le terrorisme » de l’administration de George W. Bush. Au lendemain de son entrée en fonction, Barack Obama a publié plusieurs décrets pour symboliser la rupture de la nouvelle administration avec le passé et s’est engagé à « rétablir les normes d’une application régulière de la loi et […] les valeurs constitutionnelles fondamentales. »

Mais au cours des dernières trois années et demie, Obama a en fait aggravé les attaques, renforçant les pouvoirs exécutifs de sa fonction et établissant de nouveaux précédents légaux pour en légitimer des éléments majeurs — depuis des détentions indéfinies et des tribunaux militaires aux assassinats de citoyens américains ordonnés par le président. Contrairement à son prédécesseur, Obama s’est impliqué de très près dans la direction des opérations pour poursuivre et tuer menées par des pilotes des drones aériens et des escadrons de commandos de la mort du Pakistan à la Somalie en passant par le Yémen — opérations qui ont connu une expansion rapide pendant son mandat.

Parmi les premiers décrets exécutifs d’Obama figurait un engagement de fermer dans l’année la prison militaire notoire du Pentagone à la baie de Guantánamo à Cuba. Aujourd’hui elle fonctionne encore avec 169 prisonniers. La politique de l’administration est de ne plus y envoyer de nouveaux prisonniers et d’agrandir à sa place la prison sur la base aérienne U.S. à Bagram en Afghanistan, où se morfondent quelque 2 000 prisonniers plus à l’abri du regard public et sans prétention au moindre droit.

Le détail du décret a clarifié le fait que le président ne remettait pas en cause la détention de prisonniers indéfiniment et sans mise en examen. Selon le décret, les détenus « dont la libération ou le transfert n’ont pas été approuvés seront évalués afin de déterminer […] s’il est possible de les poursuivre en justice. »

Deux mois plus tard, l’administration a déposé un dossier devant le tribunal pour défendre la détention militaire indéfinie des prisonniers de Guantánamo en vertu du pouvoir exécutif en temps de guerre. Au mois de mai de la même année, Obama a défendu son droit de détenir indéfiniment ceux « qui ne peuvent encore être poursuivis mais qui représentent néanmoins un danger évident. » Son administration a désigné 46 prisonniers pour détention sans procès.

Un autre décret exécutif signé au lendemain de l’entrée en fonction d’Obama a annoncé la fermeture des « installations de détention » secrètes de la CIA, généralement connus comme des « sites noirs. » Le décret comprenait une provision précisant que « les installations de détention […] ne se limitent pas aux installations où sont détenus des individus sur une base transitoire et de courte durée. »

Les mots « de courte durée » et « base transitoire, » qui n’ont pas été définis, ont permis à la CIA, avec un nouvel air de légitimité, de poursuivre sa pratique de « transferts extraordinaires » à d’autres pays pour des « interrogatoires plus poussés. » En septembre 2010, un tribunal d’appel U.S. a décidé en faveur de l’administration Obama, invoquant la prérogative du gouvernement aux secrets de l’État pour débouter une action en justice de cinq victimes de torture dans le cadre du programme de transferts de la CIA.

Pendant la première semaine de son administration, le Président Obama avait suspendu les commissions militaires à Guantánamo. En mars 2011, Obama a publié un décret exécutif pour les remettre en marche avec quelques modifications mineures. L’administration actuelle a désigné environ 35 prisonniers pour affronter la « justice » militaire dans laquelle le Pentagone affecte des officiers militaires pour servir comme juge et jury et l’emploi de preuves secrètes et par ouï-dire est permis.

Un autre décret présidentiel, en mars 2011, a validé à nouveau la détention indéfinie par la mise en place d’un passage en revue gouvernementale périodique des prisonniers de Guantánamo pressentis pour être jugés par un tribunal militaire ou qui sont considérés comme n’étant aptes ni à être jugés ni à être libérés.

Selon le site web Long War Journal, l’administration Obama a mené depuis son entrée en fonction près de 300 frappes de drones — dont 255 au Pakistan. C’est environ six fois plus que le nombre de frappes pendant toute l’administration Bush.

Le président actuel s’est intéressé spécialement à la campagne d’assassinat à distance. « Obama s’est placé aux commandes d’un processus de « sélection » ultrasecret pour désigner des terroristes à être tués ou capturés, avec la capture comme une option devenue très théorique, » selon un article du New York Times du 29 mai, « La « liste à tuer » secrète s’avère un test des principes et de la volonté d’Obama. »

Le président approuve chaque nom sur la liste à tuer et chaque frappe au Yémen et en Somalie ainsi qu’un bon nombre des « frappes plus complexes et risquées au Pakistan, » selon le Times. « À peu près chaque semaine, plus de 100 membres du vaste appareil de sécurité nationale du gouvernement se réunissent par vidéoconférence sécurisée afin d’examiner de près les biographies des suspects terroristes et de conseiller au président qui devrait être le prochain à mourir, » a rapporté le journal. Parmi les frappes ordonnées par le président se sont trouvées certaines qui allaient sûrement résulter dans ce que le gouvernement considère comme des victimes civiles. Des responsables anonymes ont déclaré au Times que le décompte officiel des morts est minimisé par le fait que tous les hommes retrouvés à l’intérieur d’une zone de frappes sont considérés comme étant des combattants.

La première frappe d’Obama au Yémen en décembre 2009 a tué plus de 40 civils, y compris des femmes et des enfants, et a laissé derrière plusieurs bombes à fragmentation afin d’en tuer d’autres. Plus récemment le 6 mai, une frappe aérienne a tué Fahd al-Quso, un dirigeant présumé d’Al-Qaïda, et Nasser Salim, 19 ans, qui travaillait sur sa ferme quand al-Quso est arrivé à proximité au volant de sa voiture.

La dernière attaque drone U.S. le 4 juin dans la région tribale du Nord du Waziristan du Pakistan a tué 15 « militants soupçonnés, » selon le Long War Journal. C’était la huitième frappe au Pakistan en 12 jours. Depuis avril, Washington a mené 14 frappes aériennes au Yémen.

Le gouvernement d’Obama a établi un protocole au Pakistan et au Yémen qui cible des personnes non identifiées selon des « modes de comportement » et des « lieux de regroupement, » d’après plusieurs articles de presse.

En septembre dernier, la frappe d’un drone U.S. a tué au Yémen Anwar al-Awlaki, un citoyen né aux États-Unis, après qu’Obama a annoncé publiquement qu’il l’avait placé sur la liste à tuer. Cette décision a été « facile » a dit Obama à ses associés, selon le Times.

Après le meurtre, le gouvernement a affirmé le pouvoir du président d’assassiner des citoyens qui posent « une menace imminente » si leur « capture n’est pas réalisable, » comme l’a dit le Procureur général Eric Holder dans un discours prononcé le 5 mars à l’école de Droit de l’université Northwestern. Citant l’interdiction du cinquième amendement de la Constitution d’ôter la vie sans traitement équitable devant la loi, Holder a déclaré qu’il «faut différencier « traitement équitable devant la loi » et « processus judiciaire. » En d’autres termes, si l’administration a vraiment bien réfléchi et que le Congrès ne se plaint pas, ne vous en faites pas, tout va bien.  
 
 
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