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Année 80, no 39      le 17 octobre 2016

 

L’impérialisme américain fait face à un dilemme alors que les bombardements en Syrie dégénèrent

 
NAOMI CRAINE
Pendant que Moscou et Damas intensifient les bombardements aveugles d’Alep, le 3 octobre, les responsables américains ont officiellement suspendu les négociations avec le gouvernement russe sur la relance d’une trêve dans la guerre civile en Syrie. Arriver à un accord avec Moscou a été le point central de la politique de Washington pendant des mois. La rupture, tout comme la politique elle-même, reflète la faiblesse de la position de l’impérialisme américain dans la région et a aiguisé le débat au sein de la classe dirigeante américaine sur la façon de procéder.

Pendant ce temps, le terrible bilan pour les travailleurs et les agriculteurs en Syrie continue à s’alourdir pendant que s’intensifient les combats et toutes les puissances capitalistes intervenant en Syrie, de Washington et de Moscou aux gouvernements de l’Iran, la Turquie et l’Arabie Saoudite, manœuvrent de sang-froid pour défendre leurs propres intérêts.

L’enregistrement d’une réunion le 22 septembre entre le secrétaire d’État John Kerry et les opposants civils au régime de Bachar al-Assad souligne les contradictions auxquelles fait face Washington.

Le New York Times a publié des extraits dans lesquels Kerry se plaint qu’il est l’une des « trois, quatre personnes dans l’administration qui ont toutes plaidé pour l’utilisation de la force [en Syrie]. J’ai été le perdant dans cette querelle. »

Kerry souligne les limites politiques dans la capacité de Washington d’utiliser sa force militaire massive en Syrie. « Voilà 14 ans que nous combattons dans la région. Beaucoup d’Américains ne croient pas que nous devrions nous battre et envoyer de jeunes Américains de plus mourir dans un autre pays. C’est le problème. »

La rupture dans les pourparlers « a relancé un débat interne sur l’octroi de nouveaux systèmes d’armements aux rebelles syriens approuvés par les États-Unis, » a déclaré le Wall Street Journal le 4 octobre. Ou, « Washington pourrait donner le feu vert à des partenaires de la région, y compris la Turquie et l’Arabie saoudite, pour fournir plus d’armes aux rebelles », a-t-il ajouté.

Au même moment, Kerry a déclaré à Bruxelles le 4 octobre que l’administration « n’a pas abandonné la possibilité de travailler à nouveau avec Moscou. » Il a dit que Washington poursuivait des discussions par le biais du Groupe de soutien international de la Syrie, qui inclut Moscou.

Le régime Assad et les forces alliées, y compris les avions de guerre de Moscou, les troupes iraniennes, les forces du Hezbollah libanais et les milices chiites irakiennes, ont intensifié leur offensive meurtrière contre les opposants au gouvernement dans la moitié est de la ville d’Alep.

Les cibles de leurs bombardements comprennent les hôpitaux, les marchés et les zones résidentielles. L’hôpital M10 dans l’est d’Alep a été complètement détruit le 3 octobre quand il a été bombardé pour la troisième fois en six jours.

La veille, un autre hôpital, construit dans une grotte, a été contraint de fermer après avoir été frappé par des bombes capables de détruire des casemates dans une partie détenue par l’opposition dans la région de Hama, au sud d’Alep.

L’accord de cessez-le-feu qui s’est disloqué le mois dernier était en partie pour que Washington et Moscou coordonnent leurs attaques contre l’État islamique et le Front Fatah al-Cham, jusqu’à récemment connu comme le Front al-Nosra affilié à Al-Qaïda. Mais la plupart des groupes d’opposition que Washington soutient en Syrie combattent aux côtés du Front Fatah al-Cham et sont de plus en plus portés à le faire alors qu’ils doivent faire face à l’offensive du gouvernement à Alep.

La politique de Washington repose sur son incapacité à utiliser son armée impérialiste en Syrie. Au lieu de cela, il fait pression sur Moscou pour obtenir un accord. Ses interminables guerres en Afghanistan et en Irak ont affaibli l’impérialisme américain.

Ankara cherche à jouer un plus grand rôle dans la guerre

Le président turc Recep Tayyip Erdogan poursuit ses plans pour prendre le contrôle d’une « zone de sécurité » de 5 000 km² dans le nord de la Syrie. Les troupes turques et les milices de l’Armée syrienne libre, soutenues par les frappes américaines, ont lancé une offensive le 2 octobre sur la ville de Dabiq, tenue par l’État islamique.

Dès le départ, le gouvernement turc a clairement établi que son « opération Euphrate » n’est pas seulement dirigée contre l’État islamique mais vise par-dessus tout à empêcher les Kurdes syriens de relier entre eux les cantons autonomes dont ils ont pris le contrôle dans le nord de la Syrie.

Erdogan a aussi cherché à améliorer ses relations avec Moscou, un geste qui devrait donner à Ankara plus de poids vis-à-vis de Washington. Il se réunira avec le président russe Vladimir Poutine le 10 octobre à Istanbul.

Washington a cherché à équilibrer ses relations avec Ankara, membre de l’OTAN, et avec les Unités de protection du peuple kurde (YPG) sur lesquelles il s’appuie dans la lutte contre l’État islamique en Syrie.

Le Parlement turc a approuvé le 1er octobre le renouvellement d’un an du mandat du gouvernement de déployer des troupes en Irak et en Syrie. Ceci intervient alors que Washington, Bagdad et le gouvernement régional autonome du Kurdistan dans le nord de l’Irak se préparent à lancer une offensive longuement discutée pour chasser l’État islamique de Mossoul.

Le Parlement irakien a voté le 4 octobre contre l’extension de l’autorisation accordée aux 2 000 soldats de la Turquie de rester dans le nord de l’Irak, à seulement quelque neuf kilomètres au nord-est de Mossoul. Alors que l’objectif principal d’Ankara est ici de cibler les forces du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Erdogan a également manifesté sa volonté de participer à l’assaut sur Mossoul aux côtés des milices sunnites que ses troupes ont entraînées. « Nous allons jouer un rôle dans l’opération de libération de Mossoul et personne ne peut nous empêcher d’y participer, » a-t-il dit le 1er octobre.

« Je crains que l’aventure turque ne se transforme en une guerre régionale, » a dit le premier ministre Haider al-Abadi à la télévision d’État irakienne le 5 octobre.

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