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Année 80, no 22      le 6 juin 2016

 

Washington fait face à une crise au Moyen-Orient parce qu’il perdu la guerre froide

 
MAGGIE TROWE
L’armée américaine a assassiné le chef des talibans afghans, le mollah Akhtar Mansour, dans une frappe de drone sur une route pakistanaise le 21 mai. Comme le meurtre de sang-froid d’Oussama Ben Laden en 2011, qui a conduit à l’éclatement et à la dispersion des forces d’Al-Qaïda, c’est le genre d’opération qui a été une marque de l’administration de Barack Obama, avec un potentiel similaire de répercussions déstabilisantes.

Le meurtre par drone est le plus récent exemple qui démontre à quel point la direction prise par Washington pour tenter de stabiliser le Moyen-Orient et au-delà dans ses intérêts impérialistes se heurte à des obstacles, les conséquences inattendues des actions de l’impérialisme américain dans la région depuis l’implosion de l’Union soviétique.

On peut voir cela en Irak, où le gouvernement du premier ministre Haider al-Abadi, qui est soutenu par les États-Unis, est ravagé par la crise. La chute des prix du pétrole et la guerre coûteuse et destructrice contre l’État islamique ont paralysé l’économie. Quelque quatre millions d’Irakiens sont déplacés.

Depuis l’été dernier, en réponse à la détérioration des services d’électricité et d’eau et à la corruption généralisée, des manifestants ont appelé à remplacer le cabinet et à mettre fin au système de patronage sectaire, avec des quotas pour les chiites, les sunnites et les Kurdes, que Washington a imposé en 2003 dans le cadre de la « construction de la nation » pendant son occupation du pays.

L’imam chiite Moqtada al-Sadr, qui dirige un courant nationaliste bourgeois anti-classe ouvrière semblable au Hezbollah au Liban ou le Hamas à Gaza, est celui qui a dirigé ces protestations. Il a sa base dans le quartier majoritairement pauvre chiite de Sadr City de Bagdad.

Le Fonds monétaire international, qui représente les intérêts du capital financier américain, a offert un autre « sauvetage » de 5,4 milliards de dollars au régime irakien, avec des conditions : réduction des dépenses sociales, des impôts plus élevés et d’autres « réformes » qui sauront sans doute susciter davantage de protestations.

Les difficultés qu’éprouve Washington dans sa tentative d’imposer un nouvel ordre en Irak et dans la région remontent à la fin des années 1980. Quand le gouvernement répressif stalinien en Union soviétique s’est écroulé, les « dirigeants impérialistes avaient commencé à proclamer bruyamment la défaite du communisme et la naissance d’un« nouvel ordre mondial » — et même la fin de l’histoire elle-même — et prétendaient se diriger vers un contrôle incontesté de la direction du monde, » ont écrit les dirigeants du Parti socialiste des travailleurs Jack Barnes et Mary-Alice Waters dans l’introduction de 1998 du numéro 6 de Nouvelle Internationale, une revue de politique et de théorie marxistes.

En 1991, Washington et ses alliés, prenant prétexte de l’occupation du Koweït par le président irakien Saddam Hussein, ont effectué six semaines de bombardements massifs et une invasion de 100 heures de l’Irak qui a entraîné le massacre de quelque 150 000 hommes, femmes et enfants.

Mais la coalition de guerre de l’impérialisme US s’est disloquée et elle n’a pas réussi à mettre en place le protectorat stable recherché. « Le résultat de la guerre du Golfe a été l’une des premières confirmations frappantes des conflits interimpérialistes de plus en plus aigus qui marquent le monde de l’après-guerre froide, » ont écrit Jack Barnes et Mary-Alice Waters.

Après l’attaque organisée par Al-Qaïda contre le World Trade Center et le Pentagone le 11 septembre 2011, le président George W. Bush a déclenché une guerre contre l’Afghanistan, où Al-Qaïda bénéficiait d’un sanctuaire dans des régions dominées par les talibans islamistes. En 2003, Washington a envahi l’Irak à nouveau, faisant chuter Saddam Hussein et mettant un nouveau gouvernement en place. Environ 500 000 Irakiens sont morts suite à la guerre.

Les États-Unis ont perdu la guerre froide
Au Moyen-Orient, l’impérialisme US paie le prix pour agir comme s’il avait remporté la guerre froide. Loin d’avoir ouvert le monde à la domination des États-Unis, la chute des régimes staliniens a privé Washington de son instrument le plus fiable pour maintenir le couvercle sur la marmite des luttes ouvrières.

Des décennies d’agissements staliniens contre-révolutionnaires au Moyen-Orient et ailleurs, dirigés depuis Moscou, ont contribué à ouvrir la voie aux régimes répressifs et détestés du parti Baath en Irak et Syrie, qui ont infligé des coups terribles à la classe ouvrière tout en se présentant comme l’alternative progressiste et laïque aux courants islamistes.

Le parti Baath en Irak, qui se disait socialiste, est arrivé au pouvoir en décapitant l’avant-garde de la révolution qui a mis fin à la domination britannique en 1958. Dans les années 1970, Saddam Hussein a consolidé un régime basé sur la minorité sunnite du pays et la répression des populations chiite et kurde. Moscou a envoyé à Saddam Hussein des armes et des conseillers. La triste histoire du Parti communiste d’Irak comprend sa participation de 1973 à 1979 au Front national progressiste dominé par les Baathistes et son soutien en 2003 à l’invasion des États-Unis.

Malgré sa démagogie anti-impérialiste, Saddam Hussein s’est attiré les bonnes grâces de l’impérialisme US pendant un certain temps, particulièrement lorsqu’il a déclenché une guerre sanglante contre l’Iran en 1980, l’année après que les travailleurs et agriculteurs iraniens ont renversé l’allié de Washington, le Shah.

En Syrie, le Parti communiste (unifié) a fait partie du Front progressiste national de Bachar al-Assad et tout en demandant des réformes pendant les protestations de masse contre Bachar al-Assad qui ont commencé en 2011, ce parti a insisté qu’il fallait « préserver l’unité nationale. »

À l’heure actuelle, des formations bourgeoises, comme celle de Moqtada al-Sadr, remplissent le vide laissé par les trahisons staliniennes. Mais le cauchemar économique du capitalisme qui se déroule actuellement génère une résistance à ses effets parmi les travailleurs et les agriculteurs à travers le monde. Avec le temps et l’espace politique nécessaires, il est certain que des courants prolétariens révolutionnaires émergeront au Moyen-Orient.

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