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Année 80, no 18      le 9 mai 2016

 

La catastrophe de Tchernobyl souligne
la nécessité du pouvoir ouvrier, pas celle d’un mouvement « anti-nucléaire »

 
JOHN STUDER
Il y a trente ans, le 26 avril 1986, la pire catastrophe nucléaire de l’histoire a eu lieu en Ukraine soviétique lorsque la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé. La déflagration a déclenché la fusion incontrôlée du coeur du réacteur et un incendie qui a brûlé pendant 10 jours, projetant des matières hautement radioactives au-dessus de l’Ukraine, de la Biélorussie, de la Russie et de certaines régions d’Europe.

Certains opposants à l’énergie nucléaire utilisent l’anniversaire pour faire valoir que Tchernobyl prouve que cette source d’énergie ne devrait jamais être utilisée. Mais les faits soulignent la nécessité pour les travailleurs de prendre le pouvoir politique et le contrôle des questions de sécurité. La cause de la catastrophe repose entièrement sur la négligence incroyable du régime stalinien alors au pouvoir à Moscou et sur son mépris des travailleurs — un mépris aussi affiché par les capitalistes et leurs gouvernements à travers le monde.

Ce désastre social a été le résultat d’une conception négligente et erronée de la centrale nucléaire, de la décision du gouvernement de ne pas construire d’enceinte de confinement et d’une série de décisions et de retards désastreux de la part des bureaucrates du gouvernement pour essayer de cacher l’existence et la gravité de la crise.

Tchernobyl a émis environ 400 fois plus de radiations que les bombes atomiques larguées par l’impérialisme sur Hiroshima et Nagasaki en 1945. Pourtant, pendant 36 heures, les autorités ont dit aux 50 000 habitants de Pripyat, construite à un 1,6 km du réacteur pour loger les travailleurs de la centrale, de ne pas s’inquiéter. Quand elles ont finalement ordonné une évacuation, elles ont dit aux travailleurs qu’ils ne seraient partis que quelques jours et de ne prendre avec eux que peu de vêtements. Aujourd’hui, les scientifiques disent que personne ne devrait vivre à Pripyat avant 24 000 ans.

Le régime stalinien a ordonné à quelque 600 000 soldats, mineurs, pompiers et autres bénévoles — connus sous le nom de « liquidateurs » — de se joindre aux travailleurs de la centrale pour éteindre le feu, essayer de couvrir le réacteur qui fuyait et nettoyer la région. Peu d’entre eux ont reçu d’équipement de protection et tous ont été exposés à des niveaux dangereux de radiation.

Avec la poussière radioactive qui continuait de retomber, les dirigeants du parti stalinien sont allés de l’avant avec des rassemblements de masse pour le 1ier mai à Kiev, la capitale de l’Ukraine, à environ 130 km de Tchernobyl, et à Minsk, la capitale de la Biélorussie, au lieu d’inciter les gens à rester à l’intérieur.

Deux travailleurs sont morts dans l’explosion et 28 travailleurs de la centrale, pompiers et autres volontaires sont morts de radiations aiguës en quelques semaines. Les responsables des Nations unies estiment que plus de 4 000 décès ont depuis résulté de l’accident. Des dizaines de milliers de personnes ont été rendues malades, en particulier des enfants qui ont contracté des cancers et des maladies de la thyroïde après avoir été contaminées à l’iode 131 et au césium 137, produits quand le réacteur a explosé.

Le gouvernement a continué de camoufler l’ampleur réelle de la catastrophe sociale jusqu’à ce qu’elle ne soit exposée au grand jour par des travailleurs et des scientifiques en colère trois ans plus tard.

Dans un poème émouvant sur la trahison stalinienne, Lioubov Sirota, qui avait été témoin de l’explosion quand elle est sortie prendre l’air la nuit à Pripyat, a écrit :

Des milliers de fonctionnaires « compétents »
comptent nos « âmes » en pourcentages,
leurs propres honnêteté et âmes disparues depuis longtemps —
nous étouffons donc avec désespoir.
Ils nous ont effacés.
Ils continuent d’essayer d’effacer
nos vérités souffrantes
avec leurs mensonges moralisateurs.
Mais rien ne nous fera taire !

L’internationalisme de Cuba

Lorsque l’ampleur de la catastrophe sociale est devenue claire, en conformité avec sa réputation inégalée de solidarité ouvrière internationaliste, Cuba révolutionnaire a offert de fournir gratuitement des soins médicaux. À partir de 1990 et au cours des 25 années suivantes, plus de 25 000 personnes, en grande majorité des enfants, se sont rendues à Tarará, à Cuba, dans un établissement médical spécialisé construit grâce au travail volontaire de travailleurs.

Ils y ont reçu l’amour et les soins des médecins et bénévoles cubains. « Ce genre de soutien social vient du peuple, des individus, » a dit Julio Medina, directeur du programme de Tarará, au Militant lors d’une entrevue en septembre 2014. « Ces valeurs sont le produit de la révolution et de ses politiques, de notre mode de vie. »

Beaucoup des évacués de Tchernobyl ont été relogés dans des habitations spéciales à Kiev. « Dans mon immeuble, un immeuble « Tchernobyl » où 3 000 d’entre nous vivons, lorsqu’une liste d’inscription s’ouvre pour un voyage médical à Cuba, tout le monde veut y aller, » a dit Sacha Sirota, le fils de Lioubov, lors d’une réunion dans le Minnesota en 1996.

La Fondation internationale Tchernobyl de Kiev a aidé à choisir les enfants les plus malades pour les envoyer en traitement. « Le principal miracle de Tarará, » a écrit le groupe l’an dernier, « c’est une attitude authentique de soigner, sans lien avec l’appât de l’argent. »

L’Union soviétique s’est effondrée à peu près au même moment qu’a commencé le programme de Tarará. Moscou a sabré commerce et aide avec Cuba. Même dans ces circonstances difficiles, que les cubains appellent la période spéciale, le gouvernement révolutionnaire a élargi le programme pour soigner les jeunes ukrainiens.

Le nouveau gouvernement pro-capitaliste en Ukraine a cherché à nouer des liens avec Washington et l’Union européenne. « Aux Nations unies, l’Ukraine s’est jointe aux USA pour voter contre nous sur la question des droits de l’homme, » a ditle docteur Xenia Laurenti, directrice adjointe du programme cubain, dans un film sur Tchernobyl réalisé en 2007 par Sic-TV d’Ukraine. « Si ça avait été un projet politique, nous aurions rompu nos relations. »

« Mais il ne s’agit pas de politique, » a-t-elle dit. « C’est un exemple de solidarité internationale. »

En 2012, sous la présidence de Viktor Ianoukovitch, le gouvernement ukrainien a cessé de financer le transport des malades à Cuba, ce qui a imposé de suspendre le programme de Tarará.

Un mouvement populaire de masse connu sous le nom de Maïdan a renversé Ianoukovitch l’année suivante. En l’absence d’une direction ouvrière révolutionnaire, son régime favorable à Moscou a été remplacé par un gouvernement dirigé par le président Petro Porochenko, lui-même multimilliardaire.

Une organisation de personnel médical et de victimes de Tchernobyl a été formée en 2015 pour inciter le gouvernement ukrainien à reprendre le programme de soin. Il y a des centaines de jeunes en liste d’attente pour aller à Tarará et les Cubains se sont engagés à les aider.

Avec l’objectif d’accroître les profits des capitalistes ukrainiens et sous la pression du Fonds monétaire international et de Washington d’adopter toujours plus de « réformes » anti-ouvrières, le gouvernement Porochenko a coupé les subventions sociales, y compris l’aide aux victimes de Tchernobyl.

En 2015, le gouvernement a stoppé un programme de repas qui nourrissait 350 000 enfants, dont beaucoup dans les nouvelles habitations à proximité de Tchernobyl. Ce programme était la seule source sûre de nourriture non contaminée par les radiations persistantes.

« J’ai honte de regarder les gens dans les yeux, » a déclaré le 22 avril dernier Valery Kashparov à l’Associated Press. Il est le chef de l’Institut ukrainien de radiologie agricole.

Autant le gouvernement stalinien de l’Union soviétique en 1986 que le régime capitaliste au pouvoir en Ukraine aujourd’hui se fichent de la vie et des conditions de la classe ouvrière.

Des groupes comme Greepeace et le Centre pour la recherche sur la globalisation soutiennent que le problème à Tchernobyl, c’était l’énergie nucléaire même. Ils prétendent qu’elle a causé un nombre massif de victimes, certain l’estimant à près d’un million. Ils disent que la seule façon d’éviter de futurs Tchernobyls, c’est de fermer les centrales nucléaires, même si cela signifie que des millions de gens en Afrique, en Amérique latine et en Asie seront ainsi dépourvus d’accès à l’électricité.

Le problème, c’est : quelle classe dirige ?

Mais l’énergie nucléaire n’est en soi ni bonne ni mauvaise. Comme le montre Tchernobyl, la question’ c’est : qui la contrôle et dans les intérêts de quelle classe sociale ?

« Les dangers de l’énergie nucléaire ne sont pas un argument contre ses bénéfices potentiels pour l’expansion de l’électrification dans le monde, mais un argument pour l’organisation des masse laborieuses pour prendre le pouvoir des mains des exploiteurs capitalistes, » a écrit Jack Barnes, secrétaire national du Parti socialiste des travailleurs, dans Nouvelle internationale n°8.

L’électrification ouvre la porte à l’expansion de la culture et à une plus grande collaboration entre les travailleurs du monde.

« Le mouvement communiste n’a pas de « position sur l’énergie nucléaire », pour ou contre, » a dit Jack Barnes. « Nous avons un cours internationaliste prolétarien pour faire progresser la lutte révolutionnaire pour la libération nationale et le socialisme. »

Le cours internationaliste de la révolution cubaine envers des milliers d’Ukrainiens à Tarará, qui peut se résumer dans l’idée que Cuba ne partage pas ses « restes » mais tout ce qu’elle a, quel qu’en soit le coût, montre qu’une telle révolution peut transformer notre classe pour construire un monde dans lequel il vaut la peine de vivre.

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