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Année 80, no 8       le 29 février 2016

 

Le peuple syrien face à une catastrophe alors que
le régime et ses alliés intensifient leurs attaques

 
MAGGIE TROWE
Des bombardiers russes et quelque 20 000 soldats au sol, dirigés par des forces spéciales iraniennes, des combattants du Hezbollah et des forces irrégulières venues d’Irak, d’Afghanistan et d’ailleurs sous commandement iranien, continuent leur assaut meurtrier contre les opposants au régime syrien de Bachar el-Assad autour d’Alep, autrefois la plus grande ville du pays. En même temps, Washington poursuit ses efforts pour consolider un bloc politique avec Moscou et Téhéran afin de mettre en place un cessez-le-feu et de défendre ses intérêts impérialistes dans la région.

Les bombardements de Moscou et les attaques du régime de Bachar el-Assad contre Alep se poursuivent sans répit depuis l’annonce par les Nations unies le 11 février que Washington et Moscou sont parvenus à un accord pour un cessez-le-feu, qui devait prendre effet la semaine suivante. Washington affirme qu’il n’a pas l’intention de nuire à l’avancée des forces pro-Assad.

Faisant preuve d’une totale indifférence face au sort des dizaines de milliers de personnes piégées à Alep, le porte-parole de l’armée US, le colonel Steve Warren, a déclaré à la presse qu’il considérait la situation sur place « désastreuse », mais que « notre objectif est vraiment d’infliger une défaite à l’ÉI [l’État islamique] et cela reste donc notre objectif. »

À l’initiative de Washington, le président Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine se sont consultés le 14 février et ont convenu qu’ils allaient travailler en « collaboration encore plus étroite » dans leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu. En même temps, Moscou et Téhéran ont affirmé qu’ils n’avaient aucune intention d’arrêter les opérations militaires contre les « terroristes », c’est-à-dire les opposants au régime d’Assad.

Un responsable militaire russe a dit au Wall Street Journal que Moscou allait accroître l’utilisation d’armes lourdes pour prendre Alep. « Comment faites-vous pour éliminer votre ennemi ? a-t-il demandé. Vous rasez la ville, essentiellement avec de l’artillerie. »

Pendant que l’administration d’Obama verse en public des larmes de crocodile sur Alep, elle considère en fait que les mesures prises par Moscou pour renforcer le régime de Bachar el-Assad augmentent la possibilité de stabilité. Washington exclut toute possibilité d’une guerre terrestre en Syrie ou en Irak par ses propres forces.

Le résultat désastreux pour les travailleurs et agriculteurs en Syrie des bombes, des sièges visant à affamer la population et des agressions meurtrières par le régime et ses alliés a été rendu public le 11 février par le Centre syrien pour la recherche politique. Ce dernier a récolté des données qui montrent que le nombre de morts dans la guerre a atteint près d’un demi-million de personnes, très au-delà du chiffre de 250 000 répété depuis quelques temps, soit depuis que les Nations unies ont « cessé de compter. »

Sur les 470 000 Syriens qui sont morts, environ 400 000 ont péri de la guerre violente elle-même ; les autres, de malnutrition et de maladie, par manque de soins de santé, de nourriture et d’hygiène publique. Près de 1,9 million de Syriens ont été blessés, ce qui signifie que 10 pour cent des Syriens ont été tués ou blessés.

L’espérance de vie a chuté de 70,5 ans en 2010 à 55,4 en 2015. Près de 70 pour cent des Syriens subsistent aujourd’hui dans une pauvreté extrême.

La guerre a commencé en 2011 quand des manifestations massives de travailleurs et d’agriculteurs contre la dictature de Bachar el-Assad se sont heurtées à des représailles militaires sanglantes. La classe ouvrière, dépourvue de toute direction capable d’organiser une lutte indépendante pour prendre le pouvoir politique, a été repoussée alors qu’un éventail de groupes d’oppositions capitalistes, dont d’anciennes personnalités du parti Baath de Bachar el-Assad et des islamistes de tous genres, ont formé des groupes armés pour combattre Assad et dans certains cas se battre entre eux.

L’absence d’une direction ouvrière est le produit de plusieurs décennies de trahison des luttes des travailleurs et des agriculteurs par les forces nationalistes bourgeoises comme le Parti Baath de Bachar el-Assad et le produit de la soumission, dans l’intérêt de Moscou, du Parti communiste stalinien de la Syrie à ces forces. Cela a aussi ouvert la porte à l’émergence de l’État islamique et à sa conquête de territoire en Syrie et en Irak.

La place des combattants kurdes
Au milieu des bombardements de Moscou, le 10 février, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), soutenues par des combattants arabes, ont pris la base aérienne de Menagh, près de la frontière turque avec la Syrie, jusqu’alors sous le contrôle de forces islamistes anti-Assad. Elles ont pris position contre l’État islamique à l’est d’Azaz.

Ankara, qui est déterminée à empêcher toute avancée vers un Kurdistan indépendant de la part des Kurdes en Syrie et des quelque 20 millions de Kurdes qui vivent à l’intérieur de ses propres frontières, a ouvert le feu à travers la frontière contre des unités du YPG. Washington a fait pression sur Ankara pour que cesse ce pilonnage et a appelé les Kurdes à abandonner leurs efforts pour élargir la zone qu’ils contrôlent.

Ankara, ainsi que Riyad, adversaires à la fois d’Assad et de Téhéran, sont des alliées de Washington depuis des décennies. Mais aujourd’hui les dirigeants turcs et saoudiens se sentent délaissés alors que Washington travaille plus étroitement avec Moscou et Téhéran. Les classes dirigeantes turques et saoudiennes cherchent à réaffirmer leur place dans ces développements vertigineux au Moyen-Orient afin de défendre leurs propres intérêts particuliers.

Une autre victime de la guerre est la population des Turkmènes syriens, un peuple avec une langue et une culture liées à la langue turque, qui vivent dans la région depuis des siècles. La plupart d’entre eux s’opposent à Assad, qui leur a interdit d’écrire ou de publier dans leur langue, et certains font partie des groupes armés. Des milliers d’entre eux fuient maintenant la province d’Alep vers la Turquie.

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