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Volume 78, no 12      le 31 mars 2014

 

Les travailleurs au centre de la lutte
pour la souveraineté de l’Ukraine

Reportage en direct du Militant à Kiev
 

JOHN STUDER
KIEV, Ukraine — « Nous sommes parmi les travailleurs qui sont venus récemment sur la place Maïdan, » a déclaré le 17 mars Sasha Antoliavych, un ancien mineur de la région de Donetsk, région frontalière de la Russie à l’est de l’Ukraine, le lendemain de l’intensification des actions de Moscou visant à annexer la Crimée après un référendum bidon. « Nous avons l’intention de rester ici pour aider à organiser la défense de notre pays contre la Russie. »

Sasha Antoliavych fait partie des milliers de personnes venues de toute l’Ukraine qui continuent de camper à Maïdan — la Place de l’indépendance — après avoir renversé le gouvernement pro-Moscou du président Victor Ianoukovitch.

« Nous surveillons la Russie, a dit Antoliavych, mais nous surveillons aussi les hommes politiques du nouveau gouvernement. La plupart d’entre eux ne sont pas très différents de ceux qui ont fui. »

Une équipe de correspondants du Militant a parlé avec des dizaines de travailleurs et autres personnes à différentes tentes de Maïdan, dont de nombreuses sont organisées par région.

Alexei, qui séjourne dans la tente des manifestants de Sébastopol, en Crimée, a dit que certains opposants à l’occupation russe là-bas ont fui la région. Lui-même, qui n’a pas donné son nom de famille par crainte de représailles contre d’autres personnes en Crimée, a montré une copie d’un affidavit d’un résident de Crimée nommé Igor qui a dit avoir été interrogé, menacé et forcé de quitter son domicile par des membres autoproclamés du « Bloc russe » en raison de son soutien aux manifestations de Maïdan.

« La lutte contre Ianoukovitch a uni des gens de différentes régions — c’était une vraie bataille nationale pour notre pays, » a dit Mykola Bondar qui est sur la place Maïdan depuis le mois de novembre lorsqu’ils ont commencé à organiser des unités d’autodéfense pour protéger les quelques centaines de personnes, la plupart étudiants, qui protestaient contre les gestes posés par le gouvernement Ianoukovitch afin de maintenir l’Ukraine sous la domination de la Russie.

Au cours des trois mois suivants, les manifestations se sont amplifiées et étendues à plus d’un million de travailleurs, d’agriculteurs et autres qui se sont joints aux mobilisations à Kiev et dans tout le pays.

Les protestations ont atteint leur point culminant entre le 18 et le 20 février lorsque Ianoukovitch a ordonné aux forces antiémeute Berkout d’expulser les manifestants de la place Maïdan, tuant plus de 100 personnes. L’attaque a échoué, la police antiémeute s’est désintégrée et Ianoukovitch a dû s’enfuir en Russie le 22 février. Bondar, un vétéran de la campagne militaire soviétique pendant la guerre de 1979 à 1989 en Afghanistan, a aidé à former des unités d’auto-défense. « Nous avons eu des problèmes avec les provocations de certains groupes, a-t-il expliqué. Le parti Svoboda, par exemple, a démoli la statue de Lénine sur la place pour se faire de la publicité. »

Svoboda, un parti d’extrême droite avec une aile militaire ayant la réputation d’utiliser la manière forte, a tenté d’autres provocations, a dit Bondar, y compris de diriger des voitures sur des cordons policiers. La destruction des statues de Lénine a donné un levier aux médias de Moscou pour discréditer les manifestants en les traitant de « fascistes » et créer ainsi des obstacles à l’unification des travailleurs de l’Est et de l’Ouest contre la domination russe.

« La Maison des syndicats était le quartier général militaire, l’endroit pour stocker nos produits alimentaires et l’hôpital sur la place, a décrit Bondar. Lorsque nous avions besoin de provisions, nous faisions passer le mot et des gens de partout nous les apportaient. » Le Berkout a mis le feu au bâtiment pendant les combats de février.

Les membres des syndicats se joignent aux manifestations du Maïdan

Le 25 février, dans un entretien publié sur le site web de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois, Vasyl Andreyev, président du Syndicat des travailleurs du bâtiment de l’Ukraine, a déclaré que bien que son syndicat n’ait pas appuyé officiellement le mouvement pour évincer Ianoukovitch, « de nombreux membres ont décidé d’aller aux barricades. »

« Les nouveaux politiciens continuent d’essayer de nous faire fermer Maïdan, » a affirmé Bondar.

« Nous devons poursuivre sur notre lancée, a ajouté Konstantyn Samoylenko. Il y a très peu de politiciens qui n’ont pas de liens avec les oligarques, les millionnaires. Ceux qui possèdent les banques pensent que les travailleurs et les pauvres doivent payer les frais de la crise économique en Ukraine. »

L’Ukraine a été durement touchée par la crise économique capitaliste mondiale. Le président par intérim Oleksandr Tyrchynov a dit que le pays se « dirige vers un abîme, » avec plus de 13 milliards de dollars d’emprunt qui doivent être remboursés cette année surtout à des banques européennes.

Sasha Antoliavych a souligné que la silicose est très répandue chez les mineurs de la région du Donetz, dont les conditions de travail et de vie se sont beaucoup détériorées au cours des dernières décennies. Alors que le syndicat des mineurs indépendants faisait partie de la lutte pour l’indépendance de l’Ukraine au cours des années 1980 et 1990, avant la chute de l’Union soviétique, les dirigeants syndicaux d’aujourd’hui ne font pas grand-chose pour protéger les mineurs, a-t-il expliqué.

La seule source d’information dans les zones minières de l’Est est la télévision russe, qui est remplie de mensonges sur Maïdan, a affirmé Sasha Antoliavych. Les patrons du charbon ont tenté d’empêcher les mineurs de se joindre aux manifestations de Kiev en offrant des primes pour les heures supplémentaires afin de les inciter à rester au travail.

« J’espère que ces événements et Maïdan contribueront à changer la conscience des travailleurs, à les pousser à s’impliquer davantage, » a dit Anya Tchaikovska, qui travaillait auparavant dans un dépôt de bus et d’équipements de construction et s’est portée volontaire ces quatre derniers mois pour aider à la coordination des approvisionnements alimentaires. « Si les revendications des travailleurs ne sont pas satisfaites, il devra y avoir un autre Maïdan, » a-t-elle exprimé.

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