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Volume 78, no 10      le 17 mars 2014

 

Les troupes russes occupent
la Crimée en Ukraine

Poutine s’en prend au renversement populaire
de Ianoukovitch

JOHN STUDER
Le 28 février, Moscou a occupé la Crimée et a menacé de faire de nouvelles incursions en Ukraine. Le président russe et ancien colonel du KGB Vladimir Poutine cherche à affaiblir et renverser l’effet de la victoire remportée par les mobilisations massives et intenses des travailleurs et des agriculteurs ukrainiens pour se libérer de la domination russe.

Des milliers de personnes restent mobilisées place de l’Indépendance dans le centre de Kiev. Elles sont déterminées à marquer de leur empreinte les développements politiques consécutifs au renversement du président ukrainien soutenu par Moscou, Viktor Ianoukovitch, qui a fui le 22 février.

Bien que vous ne puissiez le savoir en lisant la presse bourgeoise, des dizaines de milliers de personnes ont défilé à travers l’Ukraine — de Kiev à l’ouest, à Odessa dans le sud et à Dnipropetrovsk dans l’est — exigeant que la Russie se retire de leur pays. Les classes possédantes, non seulement à Moscou mais aussi leurs rivaux de Washington et Berlin, craignent tous la lutte populaire pour l’espace et l’indépendance politique.

Le nouveau gouvernement ukrainien rapporte que le Kremlin a massé quelque 16 000 soldats russes en Crimée, une péninsule dans le sud de l’Ukraine où la marine russe à ses quartiers sur la mer Noire.

Pendant des siècles, la Crimée a été la patrie du peuple tatar. Après la révolution russe de 1917, le Parti bolchevique, sous la direction de Lénine, a défendu le droit à l’autodétermination des nationalités opprimées sous le régime tsariste. La Crimée et l’Ukraine avaient déclaré leur indépendance et ont été convaincues de s’associer volontairement, en tant que républiques égales, à la Russie dans l’Union soviétique.

Après la mort de Lénine, le développement d’une couche sociale privilégiée basée sur l’appareil gouvernemental a effectué une profonde contre-révolution dirigée par Joseph Staline. Dans les années qui ont suivi, le gouvernement stalinien a arrêté et assassiné les dirigeants révolutionnaires indigènes et piétiné les droits nationaux des peuples non russes en Crimée et en Ukraine.

La politique de russification du vieil empire tsariste, l’importation de Russes pour affaiblir l’influence des Ukrainiens et des Tatars, a été restaurée.

En 1944, pendant la deuxième guerre mondiale, Staline a calomnié le peuple tatar tout entier en le traitant d’agent d’Hitler et l’a déporté de force en Ouzbékistan, en Sibérie et vers l’Oural. Près de la moitié de la population tatare est morte au cours du processus.

À partir des années 1960 et surtout après la chute de l’Union soviétique en 1991, les Tatars ont commencé à retourner vers leur terre natale en Crimée où ils ont fait face à la discrimination, leurs terres étant maintenant occupées par des colons russes. Il y a 270 000 Tatars parmi une population de 2 millions de personnes en Crimée et ils soutiennent massivement la lutte pour l’indépendance de l’Ukraine par rapport à la Russie.

Après la chute du gouvernement Ianoukovitch, les médias étatiques russes ont concocté une fiction d’anarchie et de vengeances brutales contre les russophones d’Ukraine. Une déclaration du ministère des Affaires étrangères russe condamne « les excès des militants de Maïdan, l’intimidation de leurs adversaires politiques et des citoyens ordinaires, l’antisémitisme, le militantisme russophobe et la profanation de monuments aux héros de la deuxième guerre mondiale. »

La télévision russe a raconté des histoires de centaines de milliers d’Ukrainiens qui auraient fui vers la Russie pour échapper au carnage. Cependant les images montrées à la télévision se sont avérées être celles de voitures faisant la queue à la frontière de la Pologne.

Les partisans du gouvernement Poutine en Russie sont allés en Crimée pour aider à organiser les forces pro-Moscou là-bas. Sergei Aksyonov, l’un des trois députés du parti de l’Union russe à l’Assemblée régionale de Crimée qui en comprend 100, ainsi que d’autres ont organisé une manifestation pro-Russie le 26 février dans la capitale Simferopol qui a reçu une couverture importante dans les médias bourgeois aux États-Unis. Toutefois, un rassemblement encore plus large le même jour en appui à la nouvelle Ukraine, comprenant des Tatars, des Ukrainiens et des Russes, a reçu beaucoup moins d’attention.

Le lendemain matin, Sergei Aksyonov et d’autres ont organisé un gang de voyous armés afin de saisir le bâtiment de l’Assemblée de Crimée, garder la presse à l’écart, et présider une séance à huis clos qui l’a nommé premier ministre de Crimée.

Sergei Aksyonov a annoncé lors d’une conférence de presse le 4 mars qu’il contrôlait totalement la province, même si des face-à-face armés se poursuivaient entre les forces russes et les troupes ukrainiennes sur plusieurs installations militaires où les Ukrainiens refusent de céder du terrain.

Des manifestations contre l’occupation
Des dizaines de milliers de personnes ont envahi les rues dans le sud et l’est de l’Ukraine, les zones où il y a un nombre important de russophones, exigeant que Moscou cesse l’invasion. Dix mille personnes ont défilé pendant quatre heures à Odessa le 2 mars. Entre autres slogans, il y avait « Poutine, ne touche pas à la Crimée », « Odessa, Kiev, Crimée : l’Ukraine est unie » et « Poutine et Ianoukovitch seront compagnons de cellule de prison. »

Dix mille personnes se sont rassemblées devant les bureaux de l’administration locale d’État à Dnipropetrovsk pour condamner l’invasion russe. Plus de 5 000 personnes ont défilé à Mykolaïv au sud, scandant « Poutine, va-t’en! » Plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Zaporijia à l’est. Mille personnes se sont rassemblées dans la ville orientale de Kharkiv portant des pancartes disant : « Kharkiv est l’Ukraine. »

Des dizaines de personnes ont été arrêtées lorsque 400 personnes se sont rassemblées à Moscou contre l’invasion de Poutine.

L’occupation russe a pour origine à la fois la faiblesse et la nécessité pour les capitalistes russes qui ont amassé de grandes fortunes grâce au vol de la propriété de l’État après la chute de l’Union soviétique. L’économie russe est une « pétro-oligarchie » vulnérable et dépendante des prix élevés du pétrole et du gaz. Mais ces ressources sont de moins en moins rentables dans un monde où d’énormes quantités de gaz naturel sont rendues disponibles grâce à l’exploitation faite par fracturation hydraulique aux États-Unis et ailleurs. Le régime policier à Moscou est entraîné dans la recherche du contrôle des marchés, des ressources et de la capacité de production des anciens membres de l’Union soviétique et d’ailleurs.

Les emprunts russes, la bourse et le rouble ont chuté après l’intervention militaire russe. Le rouble a plongé à un plus bas historique vis-à-vis du dollar et de l’euro. La Banque de Russie a répondu en faisant grimper les taux d’intérêt de 1,5 pour cent dans le but d’endiguer les flux de capitaux hors du pays.

Poutine a envahi l’ancienne république soviétique de Géorgie en 2008, s’emparant ainsi d’une partie de son territoire. Lorsque le président Barack Obama est entré en fonction l’année suivante, il a lancé une politique de « remise des compteurs à zéro » vis-à-vis de Moscou, faisant la promotion de la recherche du dialogue et de la coopération.

Le ministère de la Défense a annoncé le 5 mars que Washington allait intensifier les patrouilles aériennes au-dessus de l’Estonie, de la Lituanie et de la Lettonie.

Le pari de Poutine est que Obama, qui a proposé une profonde réduction du budget militaire des États-Unis et adopté une attitude passive à l’égard du gouvernement syrien à l’avantage de Moscou et de son allié le président Bachar al-Assad, résiste à l’envie de contre-attaquer face aux mouvements russes.

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