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Volume 77, no 31      le 26 août 2013

 
L’armée égyptienne tue des centaines de personnes,
impose un couvre-feu et la loi martiale
 
SETH GALINSKY  
L’armée égyptienne et la police ont lancé une répression sanglante le 14 août contre les partisans du président déchu Mohamed Morsi, dirigeant des Frères musulmans, au Caire et dans d’autres villes d’Égypte. Adly Mansour, le président par intérim, a également déclaré l’état d’urgence, imposé un couvre-feu de 19 h à 6 h et nommé des gouverneurs provinciaux fidèles à la hiérarchie militaire.

Selon le Al Ahram, un journal de propriété publique, il y avait au 15 août 525 morts et plus de 3 700 blessés. Le ministère de l’Intérieur a déclaré que 43 policiers et soldats ont également été tués.

Mohamed El Baradei — nommé vice-président après le renversement de Morsi et qui représente l’intelligentsia bourgeoise libérale relativement petite en Égypte — a démissionné du gouvernement en signe de protestation.

À l’aide de gaz lacrymogènes, de tirs d’armes automatiques et d’armes légères, et avec des bulldozers et des tanks, l’armée et la police ont attaqué en début de matinée deux camps mis en place il y a six semaines par les Frères musulmans pour exiger le retour du gouvernement Morsi, évincé après que des millions de personnes sont descendues dans les rues à travers l’Égypte pour exiger sa démission.

Mohamed Morsi a été élu président en juin 2012, remplaçant une junte militaire qui avait retiré le dictateur Hosni Moubarak en février 2011, après des semaines de protestation populaire. Les travailleurs ont profité de l’espace ouvert avec l’éviction de Moubarak — et de la concurrence entre factions rivales de la classe capitaliste, en particulier entre l’armée et les Frères musulmans — pour organiser des syndicats, exiger des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail et renforcer les droits des paysans.

Au cours de l’année suivante, les travailleurs, les paysans et des couches des classes moyennes ont subi une détérioration rapide des conditions économiques ainsi que des tentatives pour réprimer les droits démocratiques. Les travailleurs ont dû porter le poids de la crise économique et faire face aux efforts soutenus pour étouffer les luttes ouvrières et l’organisation des syndicats. Dans le cadre de leur offensive plus large contre les droits, les Frères musulmans ont cherché à utiliser le pouvoir de l’État pour imposer leur vision sectaire de l’islam et ont encouragé les attaques par des voyous contre ceux qui n’étaient pas d’accord.

Le site web du service de nouvelles Al-Jazeera, basé à Quatar et qui soutient les Frères musulmans, a montré des tireurs d’élite du gouvernement qui attaquaient les camps, ainsi que des partisans des Frères musulmans qui tiraient avec des armes semi-automatiques. Des partisans des Frères musulmans ont répondu en attaquant une dizaine de postes de police et en brûlant plus de sept églises chrétiennes.

L’armée — qui possède des usines, des placements immobiliers et des fermes et qui est l’employeur le plus important au pays — n’a jamais cessé d’être le principal pilier de la domination bourgeoise. Dans la foulée de la pression populaire pour chasser Mohamed Morsi, le haut commandement militaire cherche maintenant à porter des coups durables aux Frères musulmans, son concurrent capitaliste principal, qui, il n’y a pas si longtemps, avait été contraint à fonctionner dans la clandestinité. Avec des appuis venant d’une section des capitalistes en Égypte et ailleurs au Moyen-Orient et ses antécédents d’organisation et de discipline, la Fraternité est l’unique force capable d’être sérieusement armée en peu de temps et de présenter une menace militaire pour l’armée.

À la veille de la répression, Adly Mansour a nommé 20 nouveaux chefs de provinces, dont 13 responsables militaires et policiers, anciens ou actuels. La nomination de l’ancien policier Samy Sedhom en tant que vice-gouverneur de la province de Sharqiya « a soulevé un tollé d’un certain nombre de militants, » a rapporté l’hebdomadaire Al-Ahram, en raison de son « rôle considérable dans la répression politique pendant l’ère Moubarak. »

Le 12 août, l’armée a tenté de disperser un sit-in des travailleurs de Suez Steel à Suez, qui revendiquaient une augmentation de salaire, et elle a permis aux policiers d’arrêter deux grévistes.

« Je suis contre ce qui s’est passé à la place Rabaa [l’attaque contre le camp de la Fraternité] et l’état d’urgence, » a déclaré Fatma Ramadan, une dirigeante de la Fédération égyptienne des syndicats indépendants, lors d’un entretien téléphonique avec le Militant à partir du Caire le 15 août. En même temps, a-t-elle dit, les assauts contre les églises montrent que les Frères « se vengent contre les gens ordinaires. Cette situation accentue les divisions parmi les travailleurs. »

La répression « est la seule façon de traiter avec les Frères musulmans, même si je suis contre l’effusion de sang, » a déclaré par téléphone Mahmoud Salama, un travailleur de la construction à Ismaïlia. « En tant que travailleurs, nous ne sommes pas armés, nous n’avons que l’armée pour se dresser entre eux et nous. »

Le Mouvement du 6 avril, qui a joué un rôle important dans les manifestations contre la dictature de Hosni Moubarak et contre le régime de Mohamed Morsi, a condamné l’attaque contre les sit-ins pro-Morsi, tout en notant que le groupe islamiste avait été provocateur, espérant délibérément faire des martyrs.

« Des acteurs importants chez les Frères musulmans et le gouvernement provisoire ont favorisé la confrontation sanglante afin d’atteindre leurs objectifs, » a indiqué le groupe dans un communiqué le 15 avril. « Le régime a cherché à imposer sa domination et les Frères musulmans ont cherché à utiliser le sang des victimes pour marquer des points sur le plan politique. »

L’administration de Barack Obama a publié une déclaration condamnant les gestes de l’armée. Elle a annulé les exercices militaires conjoints prévus pour le mois prochain. Mais elle n’a fait aucune mention de coupure de l’aide annuelle à l’armée égyptienne qui s’élève à 1,3 milliards de dollars, grâce à laquelle Washington a maintenu des relations étroites depuis des décennies.

Bashar Abu-Saifan à Beyrouth, au Liban, a contribué à cet article.

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