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Vol. 77, no 21       le 3 juin 2013

 
La victoire dans la lutte sur la divulgation renforce la capacité des travailleurs
à organiser l’action politique ouvrière indépendante
« Une attaque contre un est une attaque contre tous » : voilà ce qui guide le Parti socialiste des travailleurs dans les batailles contre les attaques du gouvernement
 
JOHN STUDER
En 2009, Lisa Potash, une travailleuse du vêtement à FellFab Corp, était la candidate du Parti socialiste des travailleurs (SWP) à la mairie d’Atlanta. Suite à la publication dans l’Atlanta Journal-Constitution d’un article d’opinion très critique de la campagne du SWP, le journal a publié une lettre de Lisa Potash qui s’intitulait « Les socialistes soutiennent les travailleurs. »

« Notre campagne, a écrit la candidate socialiste, explique que la classe ouvrière dans le monde entier est confrontée à une crise du capitalisme de plus en plus dévastatrice. » En s’organisant pour résister aux conséquences de cette crise, les travailleurs doivent se battre ensemble pour « un programme d’urgence, financé au niveau fédéral, pour mettre des millions de gens au travail au tarif syndical pour construire des écoles, des hôpitaux, des routes, des ponts et des transports publics. »

Peu de temps après, Lisa Potash s’est retrouvée à battre le pavé à la recherche d’un autre emploi.

Lisa Potash a consigné le congédiement politique et, en octobre dernier, le Parti socialiste des travailleurs a présenté sa déclaration signée à la Commission électorale fédérale (FEC) pour soutenir sa demande de prolonger la dérogation du SWP concernant l’obligation de fournir au gouvernement les noms des contributeurs à la campagne électorale afin de les divulguer publiquement. En le faisant, elle a rejoint 70 autres partisans de campagnes électorales, lecteurs du Militant et défenseurs des droits démocratiques qui ont également envoyé des rapports au cours des quatre dernières années de licenciements, menaces physiques, espionnage du gouvernement et harcèlement par des flics et des voyous d’extrême droite.

Malgré les indications de la FEC qu’elle réfléchissait à restreindre voire refuser la dérogation au Parti, le 25 avril la Commission a décidé en faveur de la demande du SWP par un vote de quatre contre un, prolongeant la dérogation à nouveau pour quatre ans.

Dans des articles des trois derniers numéros, nous avons décrit ce qui a fait que le Parti socialiste des travailleurs, avec sa participation continue dans les luttes syndicales et politiques en tant que parti ouvrier révolutionnaire, a pu repousser cette tentative du gouvernement capitaliste pour grignoter encore les droits politiques. Cette victoire, unique au cours des dernières années, renforce la capacité des travailleurs à mener des activités politiques ouvrières sans entrave de la part des flics ou de la droite.

Nous avons également raconté comment le FBI a été forgé au fil des décennies comme la police politique de la classe dirigeante pour espionner, harceler et attaquer la classe ouvrière et son avant-garde.

À la fin des années 1930, alors que les capitalistes U.S. se préparaient à traîner les travailleurs et les agriculteurs dans le carnage de la deuxième guerre mondiale, l’administration démocrate de Franklin Roosevelt a émis des décrets secrets pour cibler les travailleurs combatifs du mouvement syndical industriel qui organisaient l’opposition à la guerre au sein de la classe ouvrière. En 1941, le gouvernement a utilisé la Loi Smith récemment adoptée, qui limitait le droit de penser, pour envoyer en prison de façon expéditive 18 dirigeants du SWP et de la direction lutte de classes du syndicat des Teamsters dans le Midwest. Ils ont été accusés de « complot en vue de promouvoir le renversement du gouvernement U.S. »

En 1945, au sortir de la guerre, une vague de grèves a traversé les États-Unis. Des luttes pour l’indépendance nationale se sont étendues en Asie, en Afrique et ailleurs. Des troupes U.S. stationnées dans le Pacifique ont organisé des actions de dizaines de milliers de soldats qui exigeaient d’être ramenés chez eux plutôt que d’être utilisés pour supprimer des soulèvements anticolonialistes. Aux États-Unis, les Américains africains ont exigé la fin du système de ségrégation Jim Crow.

La classe dirigeante a réagi en adoptant et en se servant de programmes de « loyauté » et d’autres mesures de chasse aux sorcières pour essayer d’isoler les militants ouvriers, domestiquer les syndicats et persécuter les travailleurs communistes.

Face à ces attaques, le SWP a mené sa première campagne électorale nationale en 1948, en présentant Farrell Dobbs à la présidence [des États-Unis] et Grace Carlson à la vice-présidence. Farrell Dobbs a été l’un des dirigeants des Teamsters dans le Midwest et du SWP emprisonnés pendant la guerre. Pour ne citer qu’un exemple de l’écoute que les socialistes ont obtenue, lorsque Farrell Dobbs s’est adressé à la convention d’État du SWP à Hartford dans le Connecticut, son discours a été retransmis en direct sur sept stations de radio. Depuis, le SWP a présenté des candidats à chaque élection présidentielle.

Les mesures de « sécurité nationale » adoptées par Washington au cours de cette période ont compris l’annonce en mars 1948 de la liste des organisations « subversives » dressée par le procureur général. La liste comprenait le Parti socialiste des travailleurs, le Parti communiste (PC) et près de 200 autres organisations.

Au nom du SWP, Farrell Dobbs a écrit au président Harry Truman pour exiger « qu’il déchire sa tristement célèbre liste rouge. » Selon le Militant, il l’a dénoncée comme « une tentative pour intimider et persécuter » les opposants au gouvernement. La liste constituait une attaque contre les droits constitutionnels — du SWP, de tous les groupes qui s’y trouvaient et de la classe ouvrière — et devait être abrogée.

En juillet 1948, le gouvernement a également inculpé 12 dirigeants du Parti communiste en vertu des dispositions de la loi Smith qu’il avait utilisée sept ans auparavant contre les dirigeants des Teamsters et du SWP. « Farrell Dobbs dénonce les arrestations sous la loi Smith, » a déclaré le Militant dans une manchette de première page.

La semaine suivante, dans le numéro rendant compte de la revendication du SWP pour abroger la liste du procureur général, le Militant a publié une lettre de Farrell Dobbs au Parti communiste dénonçant la loi Smith comme une arme des dirigeants capitalistes « dont le barbillon se dirige contre le mouvement syndical et politique de la classe ouvrière. » Promettant le soutien du SWP à la défense des dirigeants du PC, Farrell Dobbs a affirmé: « Seule la solidarité de l’ensemble du mouvement ouvrier et de toutes les tendances en son sein peut venir à bout de la Loi Smith, qui menace toutes les sections de la classe ouvrière. »

En 1949, Farrell Dobbs a couvert le procès des dirigeants du PC pour le Militant depuis la salle d’audiences de Foley Square à New York. Onze d’entre eux ont été condamnés à prison, la plupart pour cinq ans.

(Ayant donné son appui inconditionnel à l’effort de guerre de Washington dans la deuxième guerre mondiale, le Parti communiste n’a pas seulement refusé de défendre les dirigeants du SWP et des Teamsters, mais a présenté un « dossier » au procureur général en 1941 pour aider l’accusation. La direction du PC n’a jamais désavoué cette trahison du principe ouvrier selon lequel « une attaque contre un est une attaque contre tous. » Mais son avocat général de longue date John Abt, lui-même un cadre du PC, l’a fait dans un mémoire de 1993. John Abt a dit que c’était seulement après la mise en accusation des dirigeants du PC qu’il a lu le procès-verbal de 1941 « et a vu que les cas contre les deux organisations étaient presque identiques. Les communistes ont fait une erreur monumentale en refusant de défendre le SWP. »)

En 1948, le gouvernement américain a renvoyé James Kutcher de son emploi avec le département des Anciens combattants pour « déloyauté » à cause de son appartenance au SWP. James Kutcher, qui avait perdu ses deux jambes durant la guerre, a réussi à retrouver son emploi et sa pension après une campagne de défense de huit ans qui a obtenu le soutien de syndicats, d’organisations d’anciens combattants, de sections de l’Association nationale pour l’avancement des gens de couleur (NAACP), d’églises noires et d’organisations des droits humains.

Le SWP s’est lancé dans la bataille de plus en plus large pour faire tomber le système de ségrégation Jim Crow dans le sud. Lorsque des milliers de Noirs de Montgomery en Alabama ont lancé une campagne de boycott des autobus de ville pour lutter contre la ségrégation des places assises, Farrell Dobbs — le candidat présidentiel pour le SWP à nouveau en 1956 — a aidé à organiser la Campagne des station wagons pour Montgomery. Il a conduit à Montgomery un véhicule offert par des syndicalistes de Détroit et a couvert la lutte là-bas pour le Militant.

Ceci et d’autres luttes contre la discrimination raciste en Alabama ont mené à une victoire marquante contre l’utilisation des lois de divulgation pour détruire la NAACP en exigeant qu’elle remette les listes de ses membres à l’État (et au Ku Klux Klan et à d’autres voyous). Le groupe a refusé, protestant contre cette attaque concernant le droit à la vie privée et à l’association politique, et a écopé d’une amende de 100 000 $. La NAACP a poursuivi le cas jusqu’à la Cour suprême en 1958 et a gagné. Cette victoire a constitué un précédent qui a aidé le SWP à obtenir la dérogation de divulgation 16 ans après.

Ces puissantes batailles prolétariennes pour les droits des Noirs ont inspiré une génération de jeunes dans les années 1960 et 1970 qui ont été attirés par la révolution cubaine, ont organisé des manifestations massives contre la guerre U.S. au Vietnam et ont fait campagne pour le droit des femmes de choisir l’avortement. À travers de telles batailles, beaucoup ont été gagnés à la perspective de construire un parti révolutionnaire de masse de la classe ouvrière capable de prendre le pouvoir à la classe capitaliste et d’établir un gouvernement des travailleurs et des agriculteurs. Ils se sont impliqués dans des campagnes électorales socialistes et ont adhéré au SWP et à l’Alliance des jeunes socialistes.

En réaction à ce changement dans la situation politique, le SWP a lancé en 1973 une campagne pour contester l’espionnage et les entraves à son fonctionnement de la part du gouvernement et pour renforcer les droits des travailleurs. Dans le cadre de cet effort politique, le parti a poursuivi le FBI et d’autres agences de flics, les accusant de violer ses droits et ceux de ses partisans.

Cette campagne a mis à jour beaucoup d’opérations secrètes des flics. Elle a entre autres contraint les autorités à rendre public un document gouvernemental rendant compte d’une réunion en 1956 à la Maison blanche du Conseil national de sécurité pour entendre des propositions du directeur du FBI J. Edgar Hoover. Cette réunion, à laquelle le président Dwight Eisenhower et le vice-président Richard Nixon ont assisté, a approuvé des opérations de perturbation par le moyen d’informateurs, d’effractions, d’écoutes téléphoniques et de micros cachés contre des opposants du gouvernement. Six mois après, le FBI a lancé ses opérations Cointelpro contre le SWP, le PC, des groupes noirs et d’autres.

En 1988, après une bataille de 15 ans, le Parti socialiste de travailleurs a gagné le procès devant un tribunal fédéral et le gouvernement a annoncé qu’il ne ferait pas appel. Les faits déterrés durant cet effort concernant l’espionnage et le harcèlement menés par le gouvernement ont depuis été des éléments importants dans la lutte du SWP pour gagner et conserver sa dérogation par rapport aux lois de divulgation appliquées par la FEC.

Dans une lettre d’octobre 2012 à la FEC demandant l’extension de la dérogation du SWP, les avocats du parti, Michael Krinsky et Lindsey Frank, ont noté que le FBI avait accumulé près de 8 millions de documents sur le Parti. Entre 1960 et 1976, « le FBI a engagé environ 1300 informateurs, » les a payés plus de 1,6 millions de dollars, et « a mené au moins 204 « entrées clandestines » ou cambriolages à des fins de renseignement » dans les locaux du SWP.

Le parcours et le bilan ouvriers révolutionnaires du Parti socialiste des travailleurs, longs de plusieurs décennies, ont étés au cœur de la bataille. Et le tribunal fédéral a jugé que ces activités sont protégées par la Charte des droits.

Cette extension obtenue cette année par le SWP de la dérogation de l’obligation de donner des noms à la FEC est le premier exemple depuis quelques temps de terrain repris par des forces ouvrières contre les attaques de plus en plus marquées des patrons et de leur gouvernement.

Et comme nous l’avons dit au début de cette série de quatre articles, la base de cette victoire a été le produit de l’effort par « les nombreux lecteurs du Militant, les partisans des campagnes électorales du Parti socialiste des travailleurs et les autres défenseurs des droits politiques qui dans les années récentes n’ont laissé passer aucun incident de harcèlement, aucune menace ni aucune attaque contre les candidats du SWP ou leurs partisans sans les consigner » pour que le Parti socialiste des travailleurs les utilisent dans cette bataille qui se poursuit.

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