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Vol. 76/No. 38      le 22 octobre 2012

 
Les mineurs en Afrique du Sud sont
déterminés malgré les licenciements,
les expulsions et les attaques des flics
 
SETH GALINSKY  
Le 10 octobre — Quelque 80 000 mineurs en Afrique du Sud — sur environ 500 000 travailleurs des mines à travers le pays — sont engagés dans des grèves sauvages dans au moins cinq provinces.

Les patrons des mines licencient les travailleurs, expulsent certains d’entre eux des logements appartenant aux compagnies et menacent de fermer les puits. Le président Jacob Zuma a demandé aux mineurs de retourner au travail et son gouvernement du Congrès national africain (ANC) a envoyé les flics pour écraser les manifestations. L’ANC a mené le combat qui a renversé le régime de la suprématie blanche en 1994 et a été le parti au pouvoir depuis.

Les mineurs et les autres travailleurs de tout le pays ont été inspirés par les foreurs de roche de la mine de platine Lonmin Marikana qui ont gagné une augmentation de salaire de 22 pour cent le 18 septembre, après une grève de cinq semaines au cours de laquelle les flics ont tué 34 mineurs. Les mineurs de platine, d’or, de charbon, de chrome, de fer et de diamants ont ignoré les responsables syndicaux qui voulaient mettre fin à leur grève et dans de nombreux cas ont formé leurs propres comités de grève.

Les travailleurs dans d’autres secteurs sont également en grève. Ceux de l’automobile à l’usine Toyota de Durban ont gagné une augmentation de salaire suite à une grève sauvage de trois jours qui s’est terminée le 4 octobre. Quelque 28 000 chauffeurs de camion ont commencé une grève le 25 septembre.

« Nous vivons dans des cabanes. Il n’y a pas d’eau courante, pas d’électricité, » a déclaré le foreur Mtopo, en grève à la mine de chrome Samancor, dans une interview téléphonique de la province du Nord-Ouest de l’Afrique du Sud le 8 octobre. Mtopo parle le Setswana et a parlé au Militant par l’intermédiaire d’un collègue qui parle anglais. « Nous n’avons pas assez d’argent pour rendre visite à nos familles tous les mois, parfois seulement tous les trois mois. »

La sécurité au travail est également un sujet de préoccupation. « Certains de ceux qui se blessent sont licenciés par la direction, qui dit que c’est nous qui nous sommes mis en danger, » a-t-il dit.

Son collègue Salomon Putu, un assistant arpenteur dans la mine, dit que la compagnie avait promu les délégués du Syndicat national des mineurs (National Union of Mineworkers, NUM) de la mine au rang de superviseurs, « nous laissant à nous-mêmes. » Le NUM est membre d u Congrès des syndicats sud-africains (Congress of South African Trade Unions, COSATU) qui est un allié de l’ANC.

Source essentielle de minéraux dans le monde

L’Afrique du Sud est la plus grande source mondiale de chrome, de manganèse, de platine, de vanadium et de vermiculite, et extrait plus de 10 pour cent de la production mondiale annuelle d’or. C’est le quatrième producteur mondial de diamants et le cinquième plus grand producteur de charbon.

Bien que certaines des grandes exploitations soient détenues par des capitalistes sud-africains, les sociétés basées au Royaume-Uni, dont Anglo American, Rio Tinto, BHP Billiton et Xstrata, sont dominantes.

La compagnie Gold Fields Ltd, basée en Afrique du Sud, a expulsé des centaines de travailleurs des foyers appartenant à la compagnie à Carletonville mais elle a permis aux travailleurs d’y retourner et a rebranché l’eau le 4 octobre.

Anglo American Platinum (Amplats), la plus grande société minière de platine dans le monde, a envoyé des messages textes à 12 000 grévistes le 5 octobre les informant qu’ils étaient licenciés. Les travailleurs de cette compagnie sont en grève depuis le 12 septembre.

« Amplats est en droit de licencier les travailleurs parce que la grève est illégale, » a dit au Militant Lesiba Seshoka, le porte-parole du NUM. « Mais nous pensons que c’est un mauvais choix si vous voulez mettre fin à la grève et rappeler les gens au travail. »

Le NUM, le COSATU et la Chambre des Mines ont publié une déclaration commune le 4 octobre, disant qu’ils engageraient des discussions le 9 octobre « pour répondre aux revendications récentes des travailleurs. »

Comme d’autres sociétés minières, Amplats dit que la baisse du prix du platine a réduit les marges de profit et qu’elle ne peut offrir une augmentation salariale. Amplats n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

« Leur problème n’est pas notre problème, » a déclaré Evans Ramokga, opérateur de treuil chez Amplats, lors d’un entretien téléphonique. « Nous ne savons rien à propos de la vente du platine. La seule chose que nous savons, c’est que chaque jour le platine remonte et sort de la mine. Si vous ne remplissez pas leur objectif, ils vous licencient. Nous travaillons dur et chaque jour nous dépassons l’objectif. »

« Les mineurs gagnent 4 000 rands [450 $ US]. Les chefs d’équipe en obtiennent 30 000 par mois, a-t-il dit, et les superviseurs plus haut placés, 80 000. »

Evans Ramokga a déclaré que les mines devraient être nationalisées « et gérées par le gouvernement d’Afrique du Sud. Les profits devraient rester ici, pas retourner à Londres. »

« La lutte à la mine Marikana a inspiré les travailleurs, » a déclaré au téléphone Mametlwe Sebei, dirigeant du Mouvement démocratique socialiste, qui est actif dans un comité de grève mis en place par les travailleurs d’Amplats. « Les patrons feront tout leur possible pour éviter de donner un autre exemple. »

La « fièvre » de la grève

Le COSATU s’est officiellement opposé aux grèves sauvages. Il a publié avec le NUM une déclaration affirmant que Lonmin Platinum « a fait une grave erreur » en octroyant une augmentation de salaire aux mineurs de Marikana parce que ça « menace tous les fondements du système de relations industrielles. »

« Après les événements de Marikana, une fièvre s’est répandue dans les mines, » a déclaré Dan Sebabi, secrétaire de la province de Limpopo pour le COSATU, lors d’un entretien téléphonique le 9 octobre.

Dan Sebabi venait de rentrer d’une visite à la mine de platine Bokoni où la compagnie a licencié près de 2 000 travailleurs en grève. « Dans les premiers jours d’une grève, si vous recommandez d’y mettre fin, ils vous couperont le cou, a-t-il dit. Je vois la colère. »

Prenant conscience que les grèves se poursuivront indépendamment de la position de la bureaucratie syndicale, les dirigeants du COSATU et du NUM ont fait une tournée des mines en grève et ont tenté de gagner l’appui de mineurs.

« Autrefois, le délégué syndical travaillait dans la mine, » a dit Dan Sebabi, expliquant l’hostilité de nombreux mineurs envers la direction du syndicat. « Maintenant, disons que quand vous devenez le secrétaire de la section, vous n’avez plus à aller sous terre, vous avez un téléphone fixe et la climatisation. »

« J’écoute attentivement les travailleurs, a-t-il dit. Ils ne disent pas : « Nous ne voulons pas le syndicat. » Ils disent qu’ils ne veulent pas les représentants du syndicat. »

« J’essaie de travailler avec le comité qu’ils ont élu pour consolider et gérer les revendications correctement. Je leur ai dit qu’ils doivent faire appel des licenciements, nous ne voulons pas qu’ils perdent leurs emplois, » a-t-il dit.

Le COSATU exige la création d’une commission d’enquête pour « enquêter sur les conditions de travail et sociales » des mineurs.

« Nous ne reprendront le travail que lorsqu’ils nous donneront ce que nous voulons, » a déclaré le foreur Mtopo.  
 
 
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